PIERRE BELLEMARE, LA LEGENDE DE LA TELEVISION FRANCAISE !

Par
Yasmina Jaafar
17 décembre 2013

Pierre Bellemare est le plus jeune de tous. Le plus légendaire. Le téléspectateur français doit beaucoup à cet inventeur et dénicheur de génie. Le prompteur, le télé-achat, les mécaniques de jeux TV populaires et bien huilées... sont une infime partie de ce qu'il a apporté. Pierre Bellemare, harnaché aux "Enquêtes Impossibles" sur NT1 et  nouvel acolyte de la star Cyril Hanouna sur Europe 1, est insatiable, toujours sur le pont près à en découdre. Avec lui, la Ruche Média, a tenu à faire un tour d'horizon de la télévision made in Gaulle de 1954 à nos jours. Une balade en compagnie d'un dinosaure charmant.

D'où vous vient cette attirance pour le récit ?

Il me vient tout simplement de mon métier parce qu'au départ, j'étais technicien à la radio et pas du tout du côté des personnes qui parlent. Je ne me suis jamais dit que je ferais des récits. Je suis passé tout à fait par hasard "de l'autre côté de la vitre" comme on disait à l'époque. Très vite, on s'est aperçu que j'avais une voix pour raconter des histoires. Jacques Antoine, qui était un très grand producteur de radio, m'a demandé d'animer l'émission "Histoires Vraies" le dimanche à 20h30 sur Radio Luxembourg. ce qui a fait la différence, c'est que nous étions encore en 1954 dans une forme de radio très proche de celle d'avant guerre avec des bruitages pour chaque action. C'était de la mise en ombre. Personne n'osait parler durant 30 minutes sans effets, de peur d'ennuyer. Nous, on a voulu dépoussiérer tout ça et raconter des histoires avec des temps de pause. Ca a été une véritable nouveauté pour l'époque. Puis les portes d'Europe 1 se sont ouvertes en 1970 pour la tranche 13h30/14h. Nos Histoires ont été un succès.

Quand vous étiez petit garçon, loin de vous l'idée d'être une voix inoubliable de la radio...

Non, pas du tout. Je voulais construire des ponts et être dans la maréchaussée. Les mathématiques m'attiraient beaucoup mais j'étais nul en math. (Rire)

Vous êtes l'homme du divertissement et du jeux mais que pensez-vous de la fiction française aujourd'hui ?

La télévision française travaille avec un matériel internationale. On a donc une dose importante de programme qui ne sont absolument pas confectionnés par nous. De temps en temps, on réalise des fictions excellentes comme celles de Canal +, mais par rapport à la fabrication anglaise ou américaine, c'est peu. Nous sommes littéralement noyés dans ces productions. Et ça n'est pas une question qualité mais de présence. Aujourd'hui, les chaînes sont commerçantes et cherchent à ce que le produit coûte le moins cher et rapporte le plus en audience. On comprend aisément avec cette équation que les séries produites par Dick Wolf comme NY Police judicaire soient multi-rediffusées pendant 20 ans sur TF1 et les chaînes du groupe, NT1... Donc à la différence de notre époque, les chaînes traitent des produits. La comparaison est impossible. Tout est trop différent.

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Pourtant, la tentation est grande de faire renaître les succès d'hier...

Oui, mais les expériences montrent que nous ne pouvons pas refaire aujourd'hui ce qui a été fait hier. C'est un autre monde. Prenez l'exemple de "La caméra explore le temps" de Costello et Lorenzi, ça été un bide inimaginable alors que le succès de ce programme était immense en son temps. Les diffuseurs n'ont pas recommencé. Ils n'osent tellement plus qu'ils s'interdisent de créer ce qui ne rentre pas dans une norme de budget. Récemment, TF1 m'a demandé de reprendre "La tête et les jambes". Avant de dire Non, j'ai demandé la méthode : s'il s'agit de faire en batterie 5 émissions par jours pour optimiser les coûts, on tue le principe même de l'émission qui repose essentiellement sur le direct. Et bien sûr, le direct coute trop cher. Ils vont renoncer à une bonne idée pour des raisons de moyens et d'une économie de jeux qui est bon marché. Les jeux sont les émissions les moins chers de la télévision française.

Pensez-vous que les pouvoirs politiques se mêlent autant qu'à l'époque du Ministère de PTT de la télévision et de son contenue tant dans les divertissements que dans l'information ? Sommes-nous plus ou moins libre ? 

D'aussi loin que je me souvienne, ça a toujours été une tentation considérable. François Mitterrand a voulu la faire disparaître et permettre une indépendance. Une belle intention certes, mais aujourd'hui, c'est revenu. Même si les socialistes sont à la tête du pays, on est dans les méthodes précédentes. Alors c'est vrai qu'on agît plus directement sur LE journaliste, mais on va mettre une pression sur LE diffuseur ou patron du journal. Le secteur privé peut se défendre de ça mais il est attaché à ses annonceurs et à leurs nécessités commerciales. Il est donc parfois aisé de céder par avance. Ce n'est pas le mieux mais l'idée est de se faire bien voir. Puis, s'ajoute à cela, un mélange des genres : avant, l'Etat était le maître absolu de la télévision. Il veillait continuellement sur les JT mais les divertissements, les variétés... avaient la paix. Ca n'est plus le cas maintenant. Quand on est un gros entrepreneur de construction mondial avec un personnel énorme et pas tout à fait légal en France..., on ne peut plus être aussi indépendant ! Tout est surveillé aujourd'hui. Pour éviter les ennuis, on va s'assoir sur cette liberté qui était de notre temps mais qui n'existe plus.

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Comment expliquez-vous le succès de Cyril Hanouna ? Il y a eu dans le passé, le succès fulgurent de Cauet ou Dechavanne... pourquoi Cyril et pourquoi maintenant alors que le programme existe depuis 4 ans.

Je connais Cyril depuis très longtemps. Je travaillais avec lui sur Comedy. Christophe Dechavanne est un monsieur qui a un talent propre et il a inventé deux chefs-d'œuvre qui sont "Coucou, c'est nous" et " Ciel, mon Mardi" même si aujourd'hui ça n'est pas le meilleur Dechavanne que l'on nous sert. Mais il doit bien faire vivre sa société. Cyril Hanouna arrive à un moment où il est en opposition avec tout un style qui vient de déferler depuis 10 ans où le rire est mêlé à la vulgarité. Ce qui n'est pas le style d'Hanouna ! Il n'est pas vulgaire. Je pense que c'est ce qui fait son succès aujourd'hui. Je pense que c'est un peu facile de faire sur scène ou à la télévision des sketchs où l'on se raconte sans pudeur en faisant appel à la vulgarité. Il est dans un monde absurde, totalement imaginaire.  C'est un délire permanent et constant mais il ne faut pas croire que ce délire est préparé. C'est travaillé avec sérieux mais spontané. Il est à la fois cet homme de délire et un chef d'orchestre extraordinaire, un vrai professionnel. Ce n'est pas un rigolo du tout dans la vie. On est revenu grâce à lui à des moments que l'on a connu avec des personnages et grands chansonniers d'après guerre très drôles et sans vulgarité. Malheureusement Sébastien Cauet est tombé dedans directement. Il avait un succès comparable mais il est très vite devenu vulgaire au fur et à mesure de son succès. Je n'ai rien à dire contre l'homme car c'est un type formidable mais il ne se rendait pas compte qu'il dérivait. Hanouna sait s'entourer : Benahim, Lemoine... sont fins et pas vulgaires. Il a le rire d'un Robert Dhéry dans "les Branquignoles". Dhéry est celui qui a fait le succès de Louis De Funes et tant d'autres. Il a le délire du film le "Petit baigneur". Un second degré irrésistible. C'est un immense compliment que je peux lui faire, Cyril Hanouna est le Dhéry d'aujourd'hui.

libre PB

Que regardez-vous à la télévision ?

C'est simple, on va allez vite : je regarde essentiellement les séries anglaises comme "Otopsy", "Meurtres en sommeil" ou "Valender" et quelques américaines, celles de Wolf, un producteur de génie pour moi.  Les formats angoissants comme "Esprits criminels" ne sont pas ma tasse de thé. Je préfère la narration anglaise. Les anglais et la BBC ont un savoir faire épatant, ils écrivent des scénarios qui tiennent en deux épisodes d'une heure pour une histoire. Ils prennent donc plus le temps de raconter. Elle est plus développée puisqu'on est sur la durée d'un film et non d'une série. Je regarde aussi les histoires de mes camarades Stéphane Bern, Franck Ferrand et le fils Poivre d'Arvor. Mais les bons souvenirs que je garde en France, sont surtout les conteurs.

Photo : CH/D8

Yasmina Jaafar

 

 

 

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