NAJAT VALLAUD-BELKACEM, RACHIDA DATI, MERIEM CHADID OU ENCORE SAMIA GHALI... CES FEMMES ARABES QUI ONT REUSSI RACONTENT LEUR PARCOURS A CLAIRE CHAMPENOIS

Par
Yasmina Jaafar
26 février 2015

Najat Vallaud-Belkacem (ministre), Rachida Dati (maire et députée européenne), Amel Brahim-Djelloul (soprano), Samia Ghali (sénatrice maire), Meriem Chadid (astronome), Zahia Ziouani (chef d’orchestre)... et 10 autres femmes issues du monde arabe ont su faire leur place en France. A l'heure où une actualité forte assombrit les esprits et pousse à revoir notre façon de voir l'immigré, la laïcité, l'Autre... la journaliste Claire Champenois a récolté le témoignage de celles qui souhaitent dire leur passion, leur courage et leur ambition à ceux qui doutent ainsi qu'à ceux qui hésitent...

Rencontre :

Que veut dire "Réussir" selon vous ?

Réussir c’est pour moi réussir sa vie, c’est-à-dire devenir ce que l’on rêvait d’être. Devenir soi-même. Pour ces 17 femmes de Libres insoumises et audacieuses, qui sont victimes d’une évidente ségrégation (je ne parlerai pas d’apartheid comme l’a affirmé le premier Ministre Manuel Vals), réussir est une résilience qui leur a permis de s’épanouir, de se réaliser et d’être heureuse. Pour les 17 femmes que j’ai choisies, cette réussite là s’est accompagnée d’une réussite sociale.

La phrase "Quand on veut, on peut" est reprise dans votre livre. La volonté suffit-elle ? Ou la souffrance et la culpabilité -pensée chère à Paul Ricoeur- jouent-elles un rôle dans la réussite et la capacité ?

Il faut travailler et travailler davantage. La volonté d’y arriver (« quand on veut on peut ») est fondamentale. La souffrance est également un moteur. Au travers de ces 17 portraits, je n’ai relevé aucune culpabilité. De quoi seraient-elles coupables ?

Pensez-vous qu'il faille de plus en plus de livres comme Femmes insoumises... pour éveiller les mentalités surtout après le 7 janvier 2015 ?

Sans aucun doute, pour mieux connaître l’autre, fuir les clichés … et s’apercevoir que le multiculturel est une richesse pour notre pays. Le parcours exemplaire de ces femmes préfigurent le monde de demain.

Après avoir rencontré toutes ces femmes, que pensez-vous du rôle de l'école censée effacer les inégalités sociales ?

Couv Catherine Bendayan et Claire Champenois (1)

Toutes affirment que c’est grâce à l’école (et à la lecture) qu’elles ont eu un autre avenir que celui qu’on leur prédestinait. Elles sont reconnaissantes à l’école publique. Mais, attention ! Elles ne devaient pas « décrocher » car personne ne leur aurait tendu permis de se de rattraper. Il faut être intelligente, travailleuse, ambitieuse, et passionnée (traits communs aux 17 femmes) pour que l’école efface les inégalités sociales.

Avez-vous reçu des réponses négatives ?

Bariza Kiari (sénatrice socialiste), Bouchra Jarar (créatrice de mode), Farida Kelfa (ex mannequin, productrice de télévision), Chorouk Hrief (plasticienne) ont poliment refusé. Une dizaine ne m’ont jamais répondu ou ont accepté puis ont changé d’avis.

Celles-ci sont-elles des exceptions ou pouvons-nous imaginer qu'elles puissent réellement passer le témoin à toutes celles qui veulent parvenir au sommet ?

Au départ de leur vie, ce ne sont pas des exceptions. La majorité avaient des parents de condition modeste, analphabètes ou très peu instruits, vivaient dans un village, ou dans une banlieue ghetto, d’une façon exiguë avec une grande fratrie. Elles sont devenues « d’exception ». Sans aucun doute, elles servent de modèles aux jeunes filles qui n’osent pas se lancer. Lorsque Rachida Dati a été nommée ministre de la Justice, une adolescente lui a écrit : « Je m’appelle Rachida et grâce à vous, je n’ai plus honte de mon prénom ». Pour chasser le déterminisme (du genre, « vu ton milieu pauvre et ta culture, tu n’arriveras à rien », on a besoin de modèles de réussite.

Vous borner aux parcours de femmes est un choix féministe ou une suite pourrait être envisagée pour les hommes arabes ? Ou femmes et hommes noirs ?

Photo Claire Champenois Copyright Catherine Bendayan

Un choix féministe ? Oui. Mais il était inconscient. L’un de mes précédents ouvrages a pour sujet  Femmes d’exception à travers le monde du XX siècle à nos jours (éd. De Lodi). Depuis ce travail, où je me suis aperçu de la difficulté de « grimper dans la société» quand on est du genre féminin, je me suis posé la question : si en plus, on est arabe ou d’origine arabe, n’est-ce pas un double handicap ? (D’où le travail d’une année à recueillir ces chemins de vie). La réponse est « oui ». Envisager un livre de témoignages d’hommes (arabes ou noirs) pourquoi pas ? Vous me donnez une idée.

Que vous évoque le terme "diversité" ?

Ce terme est de plus en plus galvaudé. Nos politiques en ont « plein la bouche » (excusez ce terme). D’ailleurs, la plupart de mes 17 témoins, réfutaient ce mot. Pour moi diversité signifie pluralité des ethnies, des confessions, des cultures, gages d’une véritable démocratie et de laïcité (un mot devenu à la mode depuis les événements Charlie du 7 janvier). La France un état laïque ? Alors ce pays doit appliquer la liberté l’égalité et la fraternité, pour tous.

LA DIVERSITE C EST RECONNAÎTRE LA RICHESSE DU VIVRE ENSEMBLE.

Yasmina Jaafar

"Libres, insoumises et audacieuses" Les points sur les I Editions  Sorti 27 février 2015  

Photo : Copyright Catherine Bendayan

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