FRANÇOIS BEGAUDEAU, MARGUERITE YOURCENAR ET... L'ACADEMIE FRANCAISE

Par
Yasmina Jaafar
27 avril 2016

François Bégaudeau nous embarque avec humour dans la grande Histoire de l'Académie Française (L'Ancien Régime, Ed.Incipit). A travers la nomination de Marguerite Yourcenar, première femme qui conquière le Droit de participer au collège du quai Conti, l'auteur déambule dans les couloirs de l'institution en soulignant les absurdités et les idées reçues d'une époque.

Rencontre : 

"A quoi reconnaît-on les gens d'esprit ?", cette question figure dans votre livre. Quelle serait votre réponse ?

Dans le livre la réponse est : à leur esprit. Réponse ironique, évidemment. Je crois qu’on peut se passer de cette expression, et de la catégorie distinctive et bourgeoise qu’elle profile. En tout cas si les gens d’esprit sont des gens qui font de l’esprit, alors je me classe parmi les sots.

L'Académie Française est un lieu fabriqué par des initiés qui réfléchissent la Langue afin de l'unifier... Est-ce le meilleur moyen de la rendre accessible et ouverte à tous ?

Originellement, l’Académie vise plutôt le contraire : codifier une langue pour l’usage des gentilhommes, de sorte qu’ils se reconnaissent entre eux. Aujourd’hui, que vise-t-elle? On ne sait plus trop. La postérité, j’imagine.

Vous nous apprenez que l'Académie Française a inventé les règles d' orthographe par conséquent les fautes. Ce qui oppose ceux qui savent parler à  ceux qui ne savent pas. Cette division était-elle obligatoire pour inscrire une langue ?

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Je suggère qu’en inventant une règle, on divise la population entre  sachants et ignares. En un décret, un usage devient incorrect. Devient une faute. Alors que par nature un usage n’est ni correct ni incorrect :  il sert ou ne sert pas. Une société a sans doute besoin de conventions linguistiques, mais l’admettre ne diminue pas la violence -qui a lieu en général à l’école- de se découvrir ignare. Un enfant dit quelque chose depuis toujours, et d’un coup il découvre que « ça se dit pas ». Ce qu’il dit ne se dit pas, et pourtant il le dit. L’enfant peut en concevoir un certain trouble.

Les mêmes mots imposent-ils la même pensées ?

Belle et vieille question pointue, à laquelle j’ai la flemme de répondre car c’est samedi soir. Je peux juste constater que je croise beaucoup de gens qui utilisent le même idiome que moi -le français- et qui pourtant pensent le contraire de moi sur à peu près tout. Ce qui tend à prouver qu’une langue donnée n’induit pas une pensée donnée. Ainsi les identitaires qui affirment qu’une langue commune circonscrit des valeurs communes ont factuellement tort.

Pensez-vous qu'on "ne fiche vraiment rien sous cette coupole" comme s'interroge Marguerite Yourcenar ?

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Ce serait diffamatoire de le dire, car on y joue beaucoup au bridge. Il arrive même qu’on y délibère sur un point de langue.

Vous vous moquez de l'institution du quai Conti avec délice. Faut-il la fermer ?

Surtout pas. C’est un joyau touristique de notre capitale. Comme le zoo de Vincennes.

En 2016... une nomination de femme est-elle toujours un événement ?

Ce qui ferait événement, c’est, comme je l’imagine à peu près en fin de livre, qu’un collectif de femmes se déclare officiellement indifférent à ce genre d’honneurs.

L'Académie Française persiste à vouloir exister sans intérêt réel... ne risque-t-elle pas de devenir une télé-réalité dotée d'un casting douteux ?

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C’est le plus beau destin qu’on peut lui souhaiter. Et on déclinerait le motif, comme sur D8 : « Les Académiciens à Los Angeles » « Les Académiciens rencontrent les Marseillais ». « Les anges de l’Académie », etc…

Êtes-vous féministe ? Pourquoi ce sujet ?

Ce qui m’intéresse en général, c’est l’émancipation. Le féminisme est un des plus beaux mouvements d’émancipation de la modernité. Et nous n’en sommes qu’au début. A ce titre je m’auto-proclame compagnon de route de la cause. Et c’est effectivement ce compagnonnage qui m’a porté vers ce sujet.

Yasmina Jaafar

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