EMMANUEL MACRON : "NOUS NE REPRENDRONS PAS LE COURS NORMAL DE NOS VIES"

Par
Yasmina Jaafar
11 décembre 2018

Emmanuel Macron s'est exprimé hier à 20h face à la nation. Le mouvement des #GiletsJaunes a-t-il réussi à faire plier le gouvernement ? Quelles sont les mesures ?

PAR YASMINA JAAFAR

Pour la forme :

Le Président Macron semble avoir enfin entendu les revendications des gilets jaunes. Mais il semble aussi sortir affaibli de cette allocution. 13 minutes de contrition totale. Un mea culpa évident mais qui, souhaitons-le, ne soit pas de circonstance. 

Le ton est à saluer. Le choix des mots tout autant. Pour la première fois depuis 18 mois, nous retrouvons le candidat Macron. Une dose d'empathie et un regard concerné. Cette fois, il n'y a pas eu d'économies faites sur l'éclairage. La pénombre en moins, des mots simples en plus. "Mon seul souci c'est vous" : cette phrase résume à elle seule la complexité du moment. 
Un homme mis quasi à terre par un mouvement basiste inattendu fatigué de ses petites phrases condescendantes et blessantes. "J'ai pu être blessant". L'arrogance fustigée et remplacée par une attitude d'humilité. C'est évidemment à souligner. Emmanuel Macron jouait sa peau hier soir. Aucun mot latin, aucune certitude de façade, une voix basse mais ferme. L'homme politique aurait pris lui-même la plume pour laisser place à l'homme citoyen.

Pour le fond :

Nous ne sommes pas en 1983 avec le tournant probant de la rigueur signé François Mitterrand mais un virage social est bel et bien opéré. Ce ne sont pas de simples mesurettes même si une question subsiste au sortir de ce rendez-vous inédit : comment financer ces différentes mesures ?

Les mots sont ce qu'ils sont. Le jugement se fera selon les actes. Force est de constater que des efforts majeurs ont été faits. 
Le SMIC est revalorisé via la prime d'activité à compter de janvier 2019 (1 184.93 net euros chiffre actuel). Une prime qui devait être revue en 2020.
Un coût total de 11 milliards d'euros sera engagé. Pas de planche à billet, le financement viendra des entreprises, de la solidarité... et de l’État. Il va falloir sans doute s'assoir sur la règle des 3% avec une barre dépassée pour atteindre 3.5% contre les 2.8% prévus. 
Le financement existera aussi par l'obligation aux chefs d'entreprise domiciliés dans l'hexagone de payer leurs impôts en France. Au lieu de revenir sur la suppression de l'ISF - qui est désormais devenu aussi un symbole de lutte sociale pour une plus grande justice fiscale -.

De grandes concessions ont eu lieu... donc. La hausse de la CSG revue pour les retraités sous les 2000e par mois, une réflexion sur le vote blanc, la dose de proportionnelle, les heures supplémentaires défiscalisées signent leur retour - Une proposition de Sarkozy reçu par Emmanuel Macron le 7 décembre dernier pour jouer le conseiller...-, les corps intermédiaires mis à l'honneur et inclus dans les débats, les élus locaux comme les maires enfin visibles... Par ailleurs, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin sont favorables une prime de fin d'année défiscalisée mais pour que l'effort soit conjoint, elle sera portée par les syndicats et les entreprises.  Le girondisme évoqué durant la campagne refait surface. 
Si rien de cela ne fonctionne alors il restera à procéder au changement du premier ministre Édouard Philippe (Jean-Yves Le Drian...?) puis cas extrême... à la dissolution. A savoir : tout président faisant appel à cette option fut réélu... à bon entendeur...

Mais nous n'en sommes pas là. 
Voyons d'abord si les gilets jaunes calment leur colère. Voyons si l'Acte 5 donne vie à un acte 6... Noël approchant... l'exécutif compte quoiqu'il arrive sur un essoufflement du mouvement dès le 21 décembre. 
Mais dès le 31 janvier, le prélèvement à la source donnera ses effets. Les fiches de paye connaîtront une légère anorexie. Baisse qui sera une atteinte psychologique que le gouvernement va devoir accepter. S'en suivra deux réformes de poids : celle du chômage puis celle des retraites. Mais quelles seront les nouvelles marges de manœuvre du "jeune" président ? Une jeunesse qui a supposé une trop grande rigidité pour être occultée. Une tentative maladroite avortée. 

Et maintenant...

Photo by Bertrand GUAY / AFP)

Le retour à l'ordre républicain est une nécessité aujourd'hui. Les actes de vandalisme doivent être sanctionnés de façon exemplaire. Nulle république ne peut supporter des individus mués par l'envie de détruire. Personne, aucun citoyen ne doit retrouver au matin sa voiture brûlée, aucun commerçant n'a à subir des dégâts dans son établissement !
La violence est un symptôme comme l'a théorisé le philosophe Émile Durkheim.

Ces tensions qui sont le fruit d'une politique injuste et subie depuis 40 ans ne se régleront pas avec un discours de 13 minutes, certes... et d'autres corps comme les paysans, les étudiants, les lycéens, les professionnels de santé... se mobilisent pour continuer la lutte mais ce qui devient nécessaire est l'arrêt de la violence. Un pas conséquent a été réalisé. Les oppositions politiques, coincées dans un style français de la contestation, devraient à leur tour changer leur manière de négocier. 
Les politiques ont une appétence pour le conflit mais remettons l'essentiel au centre du débat public... et avançons avec dynamisme en effet à condition qu'il y ait des contacts entre les parties. 
En toute rationalité, les gilets jaunes ont gagné une première bataille. Un inédit pour un mouvement populaire non structuré et peu habitué à la négociation. 
Le quinquennat est-il durablement abîmé ? Les réformes chômage et retraite vont-elles pouvoir se faire ? 
Quelle marge de manœuvre garde le chef de l’État ? 

Ses certitudes ébranlées, Emmanuel Macron saura-t-il transformer (mot qui lui est cher) son entourage pour mieux communiquer ? Saura-t-il comprendre les couches qui composent notre pays ? Il existe un réel impensé en la matière. Un rapport tiède à la sociologie ainsi qu'à la dimension culturelle et philosophique du peuple.
Les solutions apportées peuvent paraître insuffisantes. Et ne sont que l'accélération de son calendrier : "faire plus vite, plus fort" s'époumonent les députés LaREM à longueur de plateaux télé. Mais les prochains mois apporteront leurs lots de réponses. L’insincérité d'Emmanuel Macron n'est plus le sujet. Le parcours de l'enfant gâté connait là une première anicroche. Place aux actes maintenant afin que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon cessent tout net la captation des colères.

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