L'EUROPE : POUR UN FRONT UNI GRÂCE À NOTRE HISTOIRE COMMUNE

Par
Yasmina Jaafar
25 mars 2019
YASMINA JAAFAR

L'Europe pose question. L’élection du 26 mai 2019 devrait attirer un peu plus de votants qu'à l’accoutumé... sans doute du fait des "Gilets jaunes" et de la médiatisation qui entoure ce mouvement inédit. Mais l'Europe possède une culture commune forte. Une histoire ancienne qui permettrait un front uni. C'est le sujet du livre "Voyage en Europe" (Fayard) du journaliste et écrivain François Reynaert puisque "notre histoire est aussi européenne".

"Voyage en Europe"(1) est-il un livre pour nous rappeler notre rapport à l'Europe ?

FR : Tous les français sont persuadés que leur histoire est unique, et leur est propre. J’ai écrit ce livre, "voyage en Europe", pour montrer que cette histoire appartenait plus généralement à une histoire européenne. On a tous appris à l’école qu’il y a eu d’abord le Moyen âge, avec des chevaliers, des châteaux ; puis la Renaissance, avec les grands artistes ; puis les guerres de religion ; puis le temps des Lumières ; puis la Révolution française ; puis la révolution industrielle et ainsi de suite jusqu’aujourd’hui. En quoi est-ce strictement français ? Un allemand, un anglais, un italien, un polonais ont exactement ce même schéma dans la tête. Eux aussi, ils viennent de pays qui ont connu les chevaliers, la renaissance, les guerres de religion, le choc de la révolution française et de l’Empire, la révolution industrielle etc. En revanche, un chinois, un arabe, un africain n’ont pas cette même grammaire historique dans l’esprit. Il existe donc bien une histoire européenne

Pouvons-nous vivre sans connaître notre histoire commune ?

Reynaert François, copyright Brice Cauvin

FR : Ce qui est sûr, c’est que la plupart des européens vivent sans la connaître. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu écrire ce livre. Il a pour but de faire, le plus simplement, le plus agréablement possible le récit de cette longue histoire. Je l’ai racontée en faisant, à chaque chapitre, une étape dans une grande ville, qui en éclaire un épisode. A Aix la Chapelle, capitale impériale, on raconte Charlemagne. A Salamanque, vieille ville universitaire espagnole, on raconte les universités du Moyen Age etc.  Ça me semblait un bon moyen d’entraîner le lecteur. La plupart des gens croient que l’histoire européenne est compliquée, et leur est étrangère, mais tous adorent voyager en Europe. D’où ce voyage…

Existe-t-il un peuple européen ?

FR : Quand ils se comparent à leurs voisins, tous les européens pensent que le peuple ne peut s’entendre qu’au niveau national. Allemands, français, italiens, belges etc. pensent qu’ils sont tous très différents les uns des autres. Emmenez maintenant tous ces gens ensemble en Chine, ils comprendront vite qu’ils appartiennent à la même culture, qu’ils partagent les mêmes valeurs. Même avec les États-Unis, un pays pourtant issu de l’Europe, les différences deviennent abyssales. Souvenez-vous des difficultés qu’a eues Obama pour instaurer un embryon d’assurance maladie dans son pays. Pour la moitié des américains, devoir payer pour la santé des autres, c’est le début du bolchévisme ! Aucun européen ne pense cela. Tous sont d’accord sur le principe de la sécurité sociale, l’idée que les biens portants payent pour les malades et les jeunes pour les vieux. C’est une idée qui a été appliquée en Allemagne à la fin du XIXe siècle, puis reprise en Angleterre, en France et partout ailleurs sur le continent. C’est une idée profondément européenne. La plupart des européens pensent qu’il n’existe pas de peuple européen. J’ai écrit un livre pour leur rappeler que tous les peuples qui forment l’Europe ont pourtant une histoire commune.

Êtes-vous optimise alors que le repli identitaire grandit partout dans le monde et en Europe précisément ?

FR : Ce repli me terrifie. Il ne peut qu’aboutir à des catastrophes. Voyez le Brexit. La majorité des britanniques ont voté pour, persuadé que le fait d’être seul va leur permettre d’être plus libres et plus riches. Dans les faits, ils vont devenir plus pauvres, et seront bientôt asservis par des puissances plus grandes qu’eux. Comment peuvent-ils croire qu’à 65 millions, ils seront plus forts pour traiter avec 1,4 milliards de chinois ou 1,3 milliards d’indiens, dopés au nationalisme, et animé d’un esprit de revanche sur l’Occident, qui les a écrasé et humilié dans le passé ? Oui, dans le monde entier, les peuples se replient sur eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle nous autres, les 500 millions d’européens, nous devons rester groupés !

Les européennes du 26 mai 19 sont médiatisées au regard du mouvement des "Gilets jaunes". Pensez-vous que les français se sentent concernés par cette échéance électorale ?

FR : Je crains qu’une fois de plus, les médias français ne traitent cette échéance que de façon franco-française, ce qui est stupide et dangereux. Tout le monde a bien compris que l’union européenne, désormais, avait beaucoup de pouvoir. C’est la raison pour laquelle il est important de s’y intéresser. En plus c’est passionnant !

Emmanuel Macron souhaite une Europe unie et forte. Est-ce un avantage ou un inconvénient pour le président que la chancelière Merkel soit en difficulté ?

FR : Il est toujours très mauvais, dans n’importe quelle Union, qu’un partenaire soit affaibli. Cela crée une instabilité qui n’est pas saine. Cela vaut pour l’Allemagne, mais pas que pour elle. L’Espagne, elle aussi, à cause de la question catalane, à cause de l’éclatement de sa vie politique, traverse une période périlleuse. Que dire de l’Italie, si mal gouvernée par l’alliance de la carpe d’extrême-droite et du lapin 5 étoiles ? 

Que pensez-vous de la liste PS/Place publique ? Est-ce le dernier signe qui indique la fin du Parti Socialiste ?

FR : difficile à dire. Il est clair que le paysage politique est dans une phase incroyable de décomposition/recomposition. D’un autre côté, le PS n’en est pas à sa première mort, si je puis dire. Dans les années 1960, tout le monde enterrait la catastrophique SFIO de Guy Mollet. Contre toute attente, Mitterrand, avec le congrès d’Epinay, avait refait du parti socialiste une force conquérante.

Bellamy/Glucksmann, les philosophes prennent de plus en plus de place en politique. Votre livre raconte notre histoire. Le monde politique connaît une défiance sans précédent.... Pensez-vous qu'il faille des écrivains ou philosophes pour penser la politique et le monde ?

FR : Chacun nous éclaire sur le monde avec la lampe dont il dispose. Pour ce qui me concerne, je me suis consacré à l’Histoire, parce que je ne vois pas de meilleure base pour comprendre l’avenir.

(1) François Reynaert. Voyage en Europe, de Charlemagne à nos jours. Fayard. 307 pages. 22,5 euros.

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