Emmanuel Macron : une visite marseillaise attendue

Par
Yasmina Jaafar
3 septembre 2021

Emmanuel Macron achève aujourd'hui son déplacement à Marseille. 72 heures durant lesquelles le président de la République a rencontré la population. L'initiative "Marseille en grand" est la nouvelle priorité du Président.

Nous sommes à quelques mois de l’élection présidentielle et nous comprenons vite que le plan global pensé pour la ville du sud cache à peine un plan global pour le pays entier. Marseille va mal, le pays aussi. Le président pas encore candidat le sait. Les conversations étatiques de cette saison ne se tiendront qu’autour de la relance et des investissements à venir.

Marseille d'abord :

3,5 milliards seront alloués à la cité phocéenne. Jusque-là rien d’inédit puisque Jean-Marc Hérault en 2013, alors premier ministre sous la mandature Hollande avait débloqué pas moins de 3 milliards d’investissement pour reconstruire la zone. L’argent est utile mais ne semble pas être la réponse principale aux problèmes que connait Marseille depuis trop longtemps. La lutte contre la drogue, le délabrement des locaux scolaires, la propreté et la violence...

En plus de ces embuches de taille, la ville est sans cesse stigmatisée soit par les médias soit par le personnel politique lui-même. Son image doit être au plus vite corrigée parce que Marseille n'est pas que cela. C'est une ville belle et ancienne dotée d'une histoire majeure. Emmanuel Macron souhaite transformer Marseille et en faire, entre autres, une capitale culturelle qui porterait notre cinéma avec une force. Le 7ème Art s'est déjà emparé du sujet.

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French President Emmanuel Macron (C) speaks with local inhabitants of the Bassens district on the first day of a three-day visit in Marseille, southern France, on September 1, (Photo by Ludovic MARIN / various sources / AFP)

Marseille sur grand écran :

Marseille est un magnifique décor pour le cinéma. Par exemple, le film Un prophète signé Jacques Audiard qui a révélé l’excellent Tahar Rahim en 2010 va être adapté en série. Le tournage des 10 épisodes est prévu en 2022. L’intrigue se déroulera à Marseille. Marc Cherqui, le producteur, indique : "Un prophète raconte l'histoire d'un outsider, d'un homme invisible qui ne peut pas évoluer socialement. Il y a quinze ans, ce personnage devait être un Arabe du nord de l'Afrique. Aujourd'hui, celui qui est le plus marginalisé, qui est le plus sous-estimé dans notre société, qui n'a pas de possibilité d'évolution, c'est un homme noir. Dans notre série, il sera un jeune homme franco-comorien."

L’éducation reste le seul rempart !

Le nouveau film de Cédric Jimenez Bac Nord, sorti cet été, aborde les thèmes de la violence, des quartiers/cités inatteignables pour les forces de l’ordre, des trafics de drogues incessants, des rapports entre une hiérarchie trop bureaucratique et des hommes de terrain sans moyens prêts à tout pour réussir leurs missions… Une mission de sécurité qui parait impossible. Le film tombe à pic et est en train de dépasser le million d’entrées. L’actualité présidentielle rattrape la fiction mais la réalité fait davantage froid dans le dos. Comment venir à bout de la violence et de l’insécurité qui sévit dans les quartiers nord de la ville ? Comment croire que seul l’argent injecté pourra nettoyer et reconstruire l’endroit ? Comment restaurer le sentiment d’abandon des élus marseillais par l’État ? Comment rassurer les populations bloquées dans un destin en dehors du commun national ?

Bac Nord, le long métrage de Cédric Jimenez (Gilles Lellouche, François Civil)

Le discours du président hier répondait à quelques unes de ces questions. Il a expliqué l'initiative et a tenté de rassurer sans pour autant mettre la ville sous tutelle. Avec franchise, le discours donnait les pistes à suivre. L’important est surtout de consolider l’école, les infrastructures scolaires, les conditions sanitaires pour que le quotidien des marseillais soit vivable.

Quatre ambitions ont été listées. L'une d’entre elles concerne la culture. Le cinéma et l’audiovisuel est la troisième ambition de cette grande initiative. « C’est le moment d’investir et à Marseille il y la capacité de le faire. Nous devons créer les grands studios de la méditerranée. Une école de cinéma sera implantée, une antenne marseillaise de la cinémathèque française également. Ici, on peut créer un des grands pôles français de la création cinématographique. C’est un combat culturel et politique. La France porte un grand cinéma qui parle à toute l’Afrique et à toute la méditerranée et cela sans laisser aux autres pays l’exclusivité des histoires et des contenus. C’est cette ambition que nous devons avoir. La culture est un pilier de la vie économique de demain ».

Les créations à l'affiche en cette rentrée le prouve.

Claire Pitollat, Députée de la 2ème circonscription des Bouches du Rhône se félicite d'un tel engagement : "Marseille aux milles merveilles et pourtant… Il faut vraiment qu’elle prenne l’envergure qu’elle mérite. C’est peut-être l’opportunité d’une vrai décentralisation. Lyon a pris de l’envergure sur le plan institutionnel et économique, Toulouse est définitivement lancée avec les télécoms, Marseille développerait la culture de l’innovation et l’on aurait un pays qui peut s’appuyer sur plusieurs cités particulières et complémentaires."

Un défis séduisant mais de taille qui reposerait avant tout sur la formation, l'éducation, et qui demanderait des changements d'habitudes.

Macron, l’école et Marseille :

Peut-être faudrait-il commencer par évaluer les différentes actions menées dans la ville. Puis regarder ce que « dépense » veut dire : certes les dépenses sont plus importantes dans les quartiers de zones d’éducation prioritaire puisque 20% de plus y sont versées mais qualitativement, rien de probant n’est fait. Il faut savoir que les professeurs de moins de 30 ans et sans expérience sont trois fois plus nombreux dans ces zones… Tout est dit.

Mais tout peut changer. À noter qu’un échange vrai et émouvant entre un enseignant et le président Macron à démontrer cette réalité. Le délabrement qui touche les écoles touche par conséquent les enfants de notre République. L’hiver il fait froid et les élèves travaillent munis de gants et de manteaux avec pour compagnie les cafards et l'insalubrité. L’été, la chaleur dans les classes avoisine les 35 degrés. Des enfants perdent connaissance. Avoir une école digne pour permettre à chacune de ces petites têtes d’avoir un destin possible car à force de maltraitance, l’enfant croit et se convainc qu’il ne mérite rien d’autre que ce qu’il lui ait offert.

Au président d’ajouter : « Notre école doit être plus inclusive pour permettre à tous les enfants en situation de handicap d’être accompagnés. C’est un changement du regard qui s’opère. Toutes les familles doivent avoir une solution et nous tenons à répondre aux urgences et aux besoins des familles. Nous voulons rompre avec une fatalité : Marseille concentre les difficultés mais nous apporterons une réponse inédite. Nous voulons tenter des choses qui seront sans doute généralisées. »

Le trajet présidentielle a été lavé et arrangé mais personne n’est dupe, et surtout pas le président qui a entendu les revendications - annoncées parfois avec colère - d’une population mais chaque mot même dit crûment avait son importance. Emmanuel Macron tient à préciser que « ce n’est pas un plan pensé à Paris, mais une initiative » et qu’il « ne sait pas si cela marchera ».

La deuxième ville de France a une particularité : les quartiers difficiles sont au cœur de la ville. C’est pour cela qu’il faut être vigilent et efficace. Les populations doutent et ont besoin d’être rassurées à défaut d’avoir des garanties. La restauration de l’autorité est obligatoire. Le maire de 43 ans Benoit Payan et Emmanuel Macron 43 ans semble avoir mis en place un système de co-pilotage pour mener à bien ce défis immense maintes fois loupé. Depuis le début de l’année, 14 personnes ont été tuées lors de règlements de compte...

L’initiative « Marseille en grand » c’est entre autres :

  • 200 policiers en plus courant 2022
  • 500 caméras
  • 169 millions pour la rénovation de la Timone et de l’hôpital du Nord
  • 1 nouvel hôtel de police pour 150 millions d’euros
  • 30 éducateurs et 30 médiateurs de plus dans les quartiers en difficultés…

Le président de la République rappelle par sa visite que l’État n’a pas oublié la deuxième ville du pays ni ses habitants. Ce déplacement s’est fait en marge du congrès mondial de la nature de l’UNICN. Une autre raison pour agir urgemment. La nature, l’écologie, l’école, le sport le périscolaire doivent se réconcilier.

La plus belle image de cette visite :

Un enfant pose une question sur la crise afghane au président. Cet échange est la preuve qu’il faut une école à la hauteur et un combat éducatif précis doit être mené pour des enfants curieux et désireux d’un avenir serein ! Le logement, l’éducation vont de pair avec une bonne transmission. Elle est notre seule priorité et elle doit être la seule priorité d’un État fort.

« Ce n’est pas une question d’argent mais de courage. Il n’y a aucune fatalité. À un moment, on a baissé les bras parce qu’on a pas eu les mêmes chances que les autres » martèle Emmanuel Macron. Alors, il n’y a plus qu’à... Le temps est court, le président souhaite que toute cette reconstruction aille vite. Aussi vite qu’une campagne qui démarre… 

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