Marie de Hennezel, l'entretien : "La confrontation avec la mort, la prise de conscience de notre mortalité, a généralement pour effet de nous ramener à l’essentiel".

Par
Yasmina Jaafar
23 novembre 2021

Comment est venue l'idée de ce livre ? La phrase de Rilke citée par Stephen Hessel "Nous sommes encadrés d'invisible" en est-elle la genèse et qu'est-ce que l'invisible ?

La phrase est de Rilke est à l’origine de mon intérêt pour l’invisible. Je ne saurai en donner une définition. C’est tout ce qui n’est pas visible : l’inconscient, les sentiments, les intuitions, les morts... qui deviennent nos « invisibles ». Puis notre petite voix intérieure, nos prémonitions. Mon livre traite du lien que tout un chacun entretient avec lui. Un lien naturel et non surnaturel. Un lien normal et non paranormal.

L'humain est-il facilement en lien avec cela ? Est-il capable de faire confiance à son intuition ?

L’humain est naturellement connecté à l’invisible, depuis la naissance, mais après l’enfance, il se concentre sur le visible, le rationnel, sauf en cas de danger, de vulnérabilité. C’est alors qu’il a besoin de faire appel à son intuition ou alors à la protection de ce que je baptise dans mon livre « notre bande d’invisibles », un grand père décédé, un ange gardien, une figure spirituelle.

Est-ce que cela a à voir avec l'irrationnel et le paranormal ?

C’est certes irrationnel, mais qui n’a pas une part d’irrationnel en soi ? On ne comprend pas tout. On ne peut pas tout expliquer. Il est donc parfaitement normal d’avoir une part d’irrationalité. Cela n’a rien de paranormal.

Comment ne pas fuir son intériorité lorsque les événements nous obligent aux confinements (comme pendant la pandémie) ? 

Le confinement nous a obligé à un retour vers soi. Ceux qui l’ont bien vécu, ont puisé en eux mêmes les ressources créatives et intuitives pour traverser cette période. Beaucoup ont réfléchi à leur vie, à ce qui est essentiel pour eux. 

Cette période a-t-elle marqué l'homme pour longtemps et comment cela va se traduire dans un futur proche ?

Ce que j'’espère c'est que ce retour vers l’intériorité ne partira pas en fumée.

Pensez-vous que en ces temps bousculés par la radicalité, l'homme ait davantage tendance à céder à ses émotions, ce qui parfois le pousserait à se "comporter n'importe comment" ?

Nous vivons une période d’incertitudes et d’angoisse. Les gens ont perdu confiance. Ils n’ont plus de points d’appui. Chacun fait comme il peut. La confrontation avec la mort, la prise de conscience de notre mortalité, a généralement pour effet de nous ramener à l’essentiel. Encore faut-il que chacun définisse ce qui est essentiel pour lui. L’essentiel de l’un ne l’est pas pour l’autre. Nous l’avons vu avec cette pathétique exclusion des commerces ou des activités « non-essentiels » comme le théâtre ou le cinéma. Cela tient à une vision technique et rationnelle de la vie et du corps. Or la vie est indivisible. Elle est biologique certes, mais culturelle, spirituelle, affective. Et nos décideurs ont une vision très réductrice de l’humain. Espérons qu’il y aura un réveil des consciences, permettant d’élargir la notion même de vie. Une vie qui reste un risque.

Le déclinisme anime le débat public. Êtes-vous optimiste quant à la capacité de l'homme à choisir la vie ?

Tout dépendra de la manière dont nous saurons affirmer nos valeurs. Il faudra peut être ne pas  être docile...

Vous êtes thérapeute mais aussi citoyenne. Comment pensez-vous la campagne présidentielle qui s'annonce ?  

La campagne m’inquiète, car je sens les clivages, les divisions, la violence extrême qui s’annoncent. Je soutiendrai un ou une candidate qui saura se placer un peu au dessus de la mêlée, si c’est possible.

Marie de Hennezel, Vivre avec l'invisible, Robert Laffont

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