Le cours de la vie est le nouveau film de Frédéric Sojcher Agnès Jaoui, Jonathan Zaccaï, et Géraldine Nakache. Un film/leçon et une histoire de retrouvailles qui donnent envie de devenir étudiant en comédie. La masterclass hors norme dirigée par Noémie (Agnès Jaoui) rappelle que la vie et le cinéma ne font qu'un dès lors qu'ils sont vécus avec passion. Mais le cinéma est-ce vraiment la vie ? Réponse du réalisateur.
En salle le 10 mai.
Votre film porte un message fort : le cinéma pourrait être la vie. Voire plus fort que la vie ?
C'est une conviction qui me suit depuis l'enfance. Ma grand-mère m'amenait toutes les semaines au cinéma et, pour moi, "la vraie vie" était sur le grand écran. Plus tard, à l'adolescence, j'ai eu une correspondance avec François Truffaut. Je lui ai écrit en lui disant que je voulais être cinéaste... et il m'a répondu. Pour Truffaut, le cinéma était plus fort que la vie. J'ai été profondément marqué par sa pensée. Ce qui est vrai pour le cinéma, peut aussi l'être pour les séries : une manière de comprendre le monde et nos émotions par la fiction. Mais je pense que rien ne vaut l'écran de la salle de cinéma et s'identifier aux acteurs... qui apparaissent "en grand".
Vous êtes un ancien étudiant en cinéma (Sorbonne) et votre long métrage se passe dans une école. Que pensez-vous de l'enseignement du 7ème art en France ? Sommes-nous compétitifs ?
Il y a de très nombreuses et très bonnes formations. Le problème actuel est que le Ministère de l'Enseignement supérieur ne donne pas suffisamment de moyens aux formations publiques qui existent dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel... qui se retrouvent en concurrence avec les écoles privées. Pour avoir accès aux écoles privées, il faut s'acquitter de droits d'inscription dont le montant peut être prohibitif pour les étudiants qui n'ont pas la chance d'avoir des moyens suffisants. Au-delà du cinéma se pose une question de choix politique pour l'enseignement supérieur, en France. Il ne s'agit pas seulement d'être "compétitif", mais de déterminer quelle approche filmique on souhaite transmettre. Même si on vise une approche commerciale, même quand on apprend des techniques, je pense qu'il faut toujours garder au coeur de l'enseignement les questions de création, car c'est ce qui fait la force du cinéma.
Votre plus beau souvenir au cours de votre apprentissage ?
Quand j'avais 20 ans, je suivais les cours de Jean-Paul Török, qui était scénariste (il avait notamment co-signé le scénario d'"Un mauvais fils", de Claude Sautet). Jean-Paul Török a voulu voir les courts-métrages que j'avais réalisés, notamment "Fumeurs de charme", avec Serge Gainsbourg et Michael Lonsdale. Il a été séduit par ce film et... nous avons commencé à travaillé à un scénario ensemble. L'enseignant devenait un complice de création ! Ce projet de film qui s'intitulait "L'ombre du passé" n'a malheureusement jamais vu le jour, mais Jean-Paul Török a eu beaucoup d'importance dans mon parcours.
Alain Layrac, le scénariste du "Cours de la vie", était aussi son étudiant quand il était jeune. C'est grâce à Jean-Paul Török que nous nous sommes rencontrés, à l'époque. "Le cours de la vie" est une sorte d'hommage à notre ancien professeur.
Avez-vous procédé à un casting classique ou est-ce tous des étudiants en cinéma ?
Tous les étudiants qui apparaissent dans le film sont de jeunes acteurs, à l'exception de l'un d'entre eux (Philippe Chatard), qui est étudiant en cinéma... mais qui a suivi des cours de comédie. Le fait même que vous me posiez cette question est pour moi bon signe. Ce qui fait je pense un "bon" acteur, c'est que l'on ne voie pas qu'il joue. Il "est" le rôle. J'ai adoré travaillé avec de jeunes comédiens. J'aime que dans un même film puissent se côtoyer des acteurs de différentes générations.
Êtes-vous aussi professeur en plus de votre casquette de réalisateur scénariste ?
Il y a plusieurs manières d'enseigner le cinéma. Je me situe dans une approche pratique visant à accompagner mes étudiants dans l'écriture et la réalisation de leurs films. Je tente de les initier aux questions d'économie du cinéma, car pour faire un film il faut connaître les moyens (financiers et techniques) auxquels on peut avoir accès. Mon plus grand plaisir d'enseignant est de suivre mes anciens étudiants et de voir qu'au-delà des études ils parviennent à faire des films en créant leurs propres univers. Simon Rieth, qui était mon étudiant il y a quatre ans, sort en salles son premier long métrage, "Nos cérémonies", le 3 mai. Je pourrais aussi mentionner Lucie Fichot, qui vient de produire son premier long métrage ou Louise Condemi, qui vient de réaliser une série Instagram pour Arte... et encore beaucoup d'autres.
Je ne fais pas de la théorie du cinéma, comme certains de mes collègues, mais il me semble qu'il est très important de garder un lien entre une "pensée du cinéma" et une pratique filmique. Dans le Master "scénario, réalisation, production" que je dirige à l'université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne, le credo est que pour être scénariste, il faut avoir conscience des questions de mise en scène et de production ; que pour être réalisateur il faut au moins une fois dans sa vie avoir participé à l'écriture d'un scénario ; que pour être producteur il faut comprendre les liens entre l'écriture proprement scénaristique et l'écriture qui se fait au tournage et au montage, par la mise en scène.
Transmettre, ça veut dire quoi ?
A mon avis, on ne peut pas "apprendre" à être cinéaste. Mais ce que l'on peut transmettre, ce sont les questions qui se posent à tout cinéaste. Si chaque cinéaste apporte une réponse différente, en fonction de sa personnalité, de ses moyens de production et du projet particulier qui le meut... on peut transmettre la manière de trouver les réponses justes. Transmettre, c'est à la fois avoir une expérience que l'on met en commun et avoir la capacité d'écouter. Il n'y a pas de transmission sans échange. Je considère comme un privilège de pouvoir communiquer avec des personnes plus jeunes que moi ma passion.
Les salles se remplissent à nouveau. Comment avez-vous vécu cette période de creux suite aux changements d'habitude liés à la pandémie ?
Ce qui fait un "bon" film, pour moi, c'est quand après l'avoir vu il nous en reste quelque chose, de l'ordre de l'émotion. La pandémie n'a fait que renforcer mon rapport aux films.... et à la vie. J'espère que les spectateurs qui continueront à se rendre en salles continueront à avoir ce besoin de comprendre le monde sur grand écran. Je n'ai absolument rien contre les "grosses" productions, mais je ferais une distinction entre les films conçus pour nous vider la tête et les films qui nous la remplissent (y compris certaines productions hollywoodiennes). Tout l'enjeu est là.