La sémantique, le vocabulaire est le plus important quand tu veux t'adresser à un public. Celui que tu utilises impose de la distance ou génère du rapprochement. On est dans le monde l'image mais les mots et la "façon" sont primordiaux. A mon sens, la radio a déserté ce champs. Le sens est la science de la radio ! Il fût un temps, où les animateurs ou autres parlaient comme moi. Ils écoutaient et descendaient sur le terrain. Ainsi, nous parlions la même langue. Ce n'est plus la cas ! Aujourd'hui, on fait du "journalisme du net" sans jamais côtoyer personne. Donc, si le discours est empreint d'un vécu, le dialogue constructif est encore possible puisqu'il y a une légitimité, sinon... c'est l'échec.
Oui, tout à fait. Ils ont mis sur le terrain des émissaires et parfois même des laquais qui ont pour objectif de créer un pont entre la jeunesse et les gouvernants. Le souci, c'est qu'il y a une déperdition de la légitimité. Plus il y a d'interface, plus le discours perd en authenticité. On peut faire appel à des associations pour faire le lien, mais c'est pour la mobilisation. Alors que le combat et la mobilisation ne veulent pas toujours dire : compréhension.
Oui, il y a 3 positionnements : La figure paternel : j'ai grandi avec un Président (F. Mitterrand) qui représentait cela ; La grand frère est l'aiguilleur, celui qui conseille et enfin, votre contemporain. Celui qui te ressemble. En 2016, je constate que nos politiques ne se reflètent dans aucun de ces miroirs. Résultat, les jeunes s'adressent plus à moi qu'à leurs élus. Il y a, évidemment, l'image du média mais ils se reconnaissent davantage en moi qu'en eux. On partage des problématiques communes.
Tout cela n'est qu'un écran de fumée et nous n'en sommes plus à savoir qui a tort et qui a raison. Les faits sont là ! Le quotidien des français dans les banlieues ou les quartiers est dur. Le trafic, ils connaissent. Ils n'attendent pas que les responsables du pays leur disent ce qu'ils doivent ressentir ou voir. C'est fait. Le délitement est en marche. Et surtout, nous devons refuser que l'on nous impose quoi penser et sur quel débat nous devons nous pencher. Je préfère que ces hommes et femmes politiques nous parlent de l'avenir et non du passé. "A qui la faute ?" Cette question n'est plus d'actualité. J'avais 16 ans quand je sentais le vent tourner... J'en ai 48. Rien n'est nouveau, pourquoi nous parler de ça maintenant ?
Bien sûr ! La cause c'est la marché de l'emploi, le chômage, le racisme, le plafond de verre et ces gamins qui vivent sans perspective. Rural ou urbain, tout le monde est touché. Et ça ne concerne pas que les jeunes issus de parents étrangers. Le problème est aussi social et économique. Le français du nord sans argent est touché de la même manière. Avant, la musique faisait office de combat. Dans le RAP on exultait. Désormais, les jeunes se tournent vers le religieux pour être contre et pour trouver une identité et des réponses.
Etant au cœur du système depuis un bail, je peux vous dire que le bâton ne fonctionne pas. La mixité, la diversité et tous ces autres mots existent dans la France profonde. Les mariages mixtes et le "vivre ensemble" est déjà là. La pays a pris les devant sur le monde audiovisuel. Les médias traditionnels ont du mal à nous envisager ? Alors inventons nos propres médias et devenons propriétaires de notre discours. Ceux et celles qui attendent depuis si longtemps une place qu'ils n'osent même plus demander... Nous devons être ambitieux pour nos enfants de façon à ce que demain, cette place leur semble naturelle. Nous ne devons pas nous interdire l'excellence et tout miser sur l'école en exigeant de l'Etat que nos écoles s'inscrivent sur le chemin de la qualité. Mais, nous pouvons être optimiste même s'il est vrai que les médias ont parfois renforcer les clichés à coup de doc provocateurs sur des chaînes comme TF1 ou M6. Il ne faut plus faire l'erreur que ma génération a faite c'est-à-dire tout accepter et se fatiguer à perdre une énergie folle à convaincre des gens qui ont d'autres priorités. Ils parlent des minorités quand il n'y a rien d'autre à dire. Et c'est ce manque de considération qui a aussi accompagné le communautarisme. Les médias communautaires n'ont pas généré le communautarisme mais c'est bel et bien ce plafond de verre et toutes les difficultés à pouvoir exister en tant que citoyens qui posent problème.
On ne devrait plus avoir de chaîne de l'Outre-Mer ! On devrait totalement mélanger les programmes. La mixité n'a rien avoir avec la ghettoïsation. La mixité, c'est justement se fondre. J'ai une identité, elle est mixe et multiple. J'estime avoir le droit de frayer un chemin sur France Inter ou France 2. Je ne veux pas être victime du jeunisme ou de ma couleur de peau. Je suis Français, je ne suis pas de France O !
J'ai envie d'aller à Calais pour voir l'Art dans la "Jungle". Dans cette vague migratoire, il y a des artistes, des peintres, des musiciens... Filmer durant un an toutes ces passions et ces talents me tient à cœur et organiser un concert au Grand Palais ou un autre endroit de cet envergure serait magnifique. Faire d'un problème une solution. C'est un peu l'histoire de ma vie.
Yasmina Jaafar