Zabou Breitman co-réalise avec Eléa Gobbé-Mévellec l'adaptation en animation du best-seller de Yasmina Khadra, Les hirondelles de Kaboul. En salle depuis le 4 septembre, ce dessin-animé à la particularité d'être doublé par des acteurs en costume. Zabou l'a dit : l’artiste souhaitait que le jeu d'acteur s’immisce dans chaque intention, dans chaque mot, chaque virgule. Le défi est réussi !
Dès les premières minutes du film, nous sommes plongés dans un Kaboul défait, un véritable théâtre de guerre. Le temps est suspendu et les plans s'attardent. Ils nous montrent les mains et les hanches de l’héroïne Zunaira. Chacun de ses gestes suaves vient confronter une ville morte. Les talibans y sont rois et imposent une charia inadmissible. Zunaira est rebelle et elle n'en veut plus. Elle veut seulement être libre mais c'est déjà beaucoup pour une femme née au mauvais endroit.
Elle est mariée à Mohsen, un artiste fragile qui rêve d'ailleurs mais pris par la foule et la tradition funeste, il saisit une pierre au sol pour lapider une femme. Il ne s'en remettra pas. Son pays ne ressemble plus à ce qu'il a été mais comment "combattre de l'intérieur" ?
En face un autre couple. Plus vieux celui-là. Mussarat, une femme malade en stade terminal et Atiq, un geôlier. Elle est dévouée, il est encore amoureux et redevable. Ils sont éreintés, épuisés par une guerre inouïe. Un "ami" lui dit : "Tu ne lui dois rien à ta femme ! Elle est malade ? C'est la volonté de Dieu. Répudie-là ! Aucun homme ne doit rien à une femme. Te plaindre à cause d'une femelle, voyons ! Prends une vierge. Répudie-là !". Cet échange donne le ton de la violence qui s’opère entre les gens dans un Kaboul en ruine en 1998.
Deux couples, deux générations différentes. Le premier plein d’espoir car encore jeune et le second convaincu que rien en changera jamais plus. Le premier espère s'embrasser à nouveau dans la rue et souhaite "éduquer les enfants à être libre pour qu'ils se battent de l'intérieur". Le deuxième attend la mort résolu. Mais leur chemin vont se croiser. Leur destin va basculer... L' Homme prend des décisions quand l’injustice fait face. "Se battre de l’intérieur" cette phrase revient souvent comme un gimmick saisissant.
"S’interroger rend fou. Mieux vaut s'enfuir" dit un vieux monsieur résigné et spectateur de cette ignoble guerre depuis trop longtemps. Lui en a fini de se battre... Il a perdu son Kaboul d'antant.
C'est Jean-Claude Deret, le papa de Zabou Breitman qui double ce personnage. Ce son reste là, indélébile, comme une empreinte puisque c'est lui qui clôture le film. Disparu il y a 3 ans, la réalisatrice a immortalisé la voix de son père dans ce personnage de fiction, ce sage qui attend... un autre Kaboul.
Une œuvre dessinée par Eléa Gobbé-Mévellec en aquarelle. Cette matière permet un trait moins précis. Cela apporte une poésie : il faut deviner le contour d'une main. Le générique arrive et le film nous laisse coi. Il nous rappelle que la liberté est un joyau. Que la guerre déshumanise. Que le sacrifice est d'or. Que l'éducation est obligatoire.
De No et moi à Se souvenir des belles choses en passant par Je l'aimais, Zabou Breitman a toujours porté à l'écran des thèmes sociétaux qui traitent de l'injustice, de l'exclusion, du courage. le film Les hirondelles de Kaboul ne déroge pas à la règle.
Genre : Animation
Réalisateur : Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec
Acteurs : Simon Abkarian, Hiam Abbas, Zita Hanrot, Swann Arlaud
Pays : France
Durée : 1h20
Sortie : 4 septembre 2019
Distributeur : Memento Films Distribution
Synopsis : Été 1998, Kaboul en ruines est occupée par les talibans. Mohsen et Zunaira sont jeunes, ils s’aiment profondément. En dépit de la violence et de la misère quotidienne, ils veulent croire en l’avenir. Un geste insensé de Mohsen va faire basculer leurs vies.