L’ÉCOLE A L’HEURE DE LA DISTANCIATION SOCIALE par Bertrand Naivin.

Par
Bertrand Naivin
29 avril 2020

Le gouvernement et le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse semblent faire face à un dilemme difficilement soluble quant à la question du retour à l’école annoncée lors de la dernière allocution du chef de l’État pour le 11 mai prochain. Hier, Edouard Philippe avait la lourde tâche, tant elle était attendue par de nombreux Français, qu’ils soient élèves, parents ou enseignants d’en préciser les modalités. Mais si la stratégie générale a pu être dévoilée (Protéger-Tester-Isoler), les cadres pratique de sa réalisation restaient pour le moins flous. Et pour cause. Nul ne sait en effet, et même si nous avons dépassé le pic virale, si les conditions sanitaires seront optimales pour ce déconfinement  programmé.

Cependant, des pistes ont été données. Notamment le volontariat sur lequel se basera le retour des enfants. De même le chiffre de 15 élèves maximum par classe a-t-il été annoncé, comme celui de 10 enfants pour les crèches. De même également le Premier ministre a-t-il zoné la réouverture des collèges. Seuls en effet seront concernés par le déconfinement et l’accueil des élèves les établissements situés dans des zones dites « vertes », c’est-à-dire faiblement touchées par le virus et sa circulation. Le choix est  donc de proposer un plan de déconfinement national qui s’adaptera aux réalités locales et engagera les acteurs locaux.

Lors de son interview au 20h de TF1 hier soir, Jean-Michel Blanquer à rappeler son souci de bien préparer les élèves à l'entrée en primaire et au collège.

Cette différenciation de la reprise des cours paraît nécessaire au moins à deux égards : l’un sanitaire et l’autre social. Le premier concerne évidemment la nécessité de continuer à promouvoir et à respecter les gestes barrières dont fait partie la distanciation sociale. Le second porte sur une conséquence de l’enseignement à distance que l’assignation à résidence a imposé : l’aggravation du décrochage scolaire. Souffrant pour certains d’une mauvaise ou d’une absence de connexion à Internet, dépourvus de matériel informatique suffisant pour pourvoir aux besoins de toute une famille astreinte au télétravail quand d’autres familles n’ont pour tout équipement numérique que le smartphone de l’adolescent, mais aussi manque de motivation et d’encadrement par des parents dépassés ou ne maitrisant pas assez les codes et les attendus de l’école, de nombreux jeunes sont ainsi sortis des « radars » (5 à 8%) et risquent de pâtir en septembre prochain d’une déscolarisation de près de cinq mois dont on mesure l’ampleur. Déjà à la peine dans leur scolarité, ces jeunes le seront davantage après avoir passé autant de temps déconnectés de l’école. Car si dans les premiers temps certains commentateurs et médias ont pu vanter la « continuité pédagogique » promue par le ministre, la disparité existant entre les classes favorisées bénéficiant d’un bon équipement informatique et d’une structure familiale aidante et structurante et d’autres populations ne maitrisant pas ou peu les codes de l’école ne tarda pas à faire jour, révélant en creux des fractures sociales entre Paris et certaines banlieues dites défavorisées.

Le retour en classe se ferait sur la base du volontariat mais reste à savoir si ce ne sont pas seulement les "bons élèves" qui retourneront dans l'enceinte de établissement ?

ÉDOUARD PHILIPPE (Premier Ministre) ET JEAN-MICHEL BLANQUER (Ministre de l'éducation)

On comprend alors la nécessité de veiller à redonner à ces élèves un cadre scolaire autant que sociale tant les deux sont étroitement liés avant cette nouvelle coupure que seront les grandes vacances. Une préoccupation exprimée par M. Blanquer mais qui se confrontera dans certains territoires à cette autre obligation de veiller à ce que l’endiguement de l’épidémie perdure et empêcher de recourir à un nouveau confinement.

Si les enseignants ont su faire preuve pendant ces semaines d’un dévouement, d’une adaptabilité et d’une créativité remarquables, saluées d’ailleurs par Édouard Philippe, le confinement aura ainsi révélé cette inégalité numérique qui vient désormais s’ajouter aux fractures sociales et culturelles pour dessiner une société à plusieurs vitesses. Si cette donne n’est évidemment pas nouvelle, elle est assurément aggravée par le numérique qui, alors qu’il devait œuvrer à l’horizontalisation de la culture et à rendre les contenus et dispositifs pédagogiques plus adaptés à ces populations souffrant de décrochage scolaire, ce même numérique révèle aujourd’hui cet exil social culturel dont souffrent encore trop de familles. Une insularité que seul le cadre scolaire, par la relation privilégiée qu’il institue entre l’élève et l’enseignant comme entre les jeunes entre eux peut transcender.

10,40 millions de Français ont suivi les annonces concernant le plan de déconfinement sur Tf1, France 2 et M6.

Bertrand Naivin, Théoricien des médias et membre du cercle #laruchemedia

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