Ibiza, l'autre visage

Par
Yasmina Jaafar
25 août 2022

"Le Pacha, l’Amnesia, le Privilege Ku Club, le Space et l’El Davinobiza... Ibiza est l'île de la fête !" Cette affirmation est démontée dès que l'on pose le pied sur la belle. Ibiza est l'île de tous, du beau, du hippie style, de la terre rouge, des criques, du calme... De cala en cala (NDLR : plages en espagnol), nous avons découvert des trésors et des lieux mal connus. La Ruche Média s'empresse de vous les partager. Des artistes, Samantha Rénier, Sayana Cairo, Françis Gazeau, rencontrés au fil de nos balades, nous racontent leur attachement à l'endroit. Entre l'identité forte d'une île et les idées reçues, le voyage vaut le détour :

Ibiza Town ou Eivissa

Au Sud, il y a Ibiza Town ou Eivissa en catalan ! La capitale. Le fief, l'endroit phare pour les retrouvailles festives... mais pas que. Ibiza, la ville, c'est aussi la vieille ville, la citadelle, le bar Juan, une superficie totale de 11,40 kilomètres carrés, 50.000 habitants, le Musée d’Art Contemorani, la Plaça d’Espanya, l‘église Saint-Domingue, l'ancien théâtre en rénovation, le port de Marina Botafoc, la plage de Talamanca et de Figueretes... Certes, vous trouverez des boutiques, des restaurants, des bars et des magasins pour touristes mais vous ne pourrez pas échapper à l'aspect culturelle de la ville. Loin, très loin de sa voisine, à l'Ouest, Sant Antoni de Portmany, elle a une profondeur historique, du relief et des remparts à couper le souffle. Des promenades dans l’ancien noyau Dalt Villa déclaré patrimoine mondial par l’UNESCO en 1999 sont obligatoires pour changer d'avis sur la ville. Des musées et des galeries enfoncent le clou et permettent de s'échapper, de réfléchir et de prendre du recul. Le caractère gothique et médiéval des habitations nichées au cœur de la ville fortifiée imposent une poésie. La cathédrale de Sant Maria de las Nieves bâtie au XVIème siècle domine le sommet de la colline. Les ruelles pour y parvenir sont labyrinthiques. Nous nous sommes perdus dans les passages secrets qui forment un raccourci jusqu’au ciel, jusqu'au musée de la sacristie et ses belles œuvres baroques.

Le boulevard Vara de Rey est le tout nouveau quartier rempli de maisons modernes, d’hôtels de luxe, de banques et de boutiques onéreuses... Il vient contraster avec les anciens quartiers pauvres de la capitale. L'un sert l'autre, pour un tout romantique. Sant Jordo de Ses Salines avec la plage Playa d’en Bossa, Les Salines, la plage Playa de Ses Salines et celle de Figueretas promettent des baignades sympathiques dans un décor de carte postale.

Les autres régions...

Mais Ibiza ce n'est pas que Eivissa Town, c'est aussi le nord et la ville de pêcheurs Portinatx. C'est Santa Agnès et le restaurant Can Cosmi où vous dégusterez les meilleures tortillas de l'île. Ibiza, c'est aussi les différents marchés Hippie tel que celui du mercredi matin, à l'Est, à Es Canar-Punta Arabi. Petit bémol : un coté surfait gène la promenade. Si l'authentique et rien d'autre ne vous tente, vous pouvez passer votre chemin. Il y a tant à découvrir comme par exemple, San Josep de sa Talaia à 15 kilomètres de Eivissa. Cette petite ville est typique et pleine de charme ; la vallée d'Es Broll ; La pointe d'Es Vedra et son rocher magique ; la pointe de Bénirras et son couché de soleil hors du commun ; des "cala" sans personnes ou presque au moins jusqu’à 11h : Cala Salada, Cala Xaracca, Punta Gallera, Cala Colodar...

Ces artistes qui connaissent Ibiza et qui l'aiment :

Samantha Rénier, Comédienne

"Ibiza est un endroit de cœur pour moi. Ce sont mes racines. Mon père (NDLR Yves Rénier) est arrivé en 1962 au nord de l'île, à Sant Miguel. À l'époque, il n'y avait que deux routes et les maisons n'avaient ni eaux ni électricité. C'est encore le cas parfois. J'ai grandi ici et en France mais sans contraintes scolaires jusqu’à 6 ans. Ces deux pays ont forgé mon identité. Ibiza a toujours été un endroit de fête à la différence qu'aujourd'hui, l'argent a pris le pouvoir. Toutes les voix s'exprimaient. Par exemple, dans les années 30, les dadaïstes étaient en rébellion contre ce qui ce passait en Allemagne. Ibiza abritait les rebelles. Ici on pouvait être qui on était. Aujourd’hui, les gens viennent vivre et exulter leurs frustrations. Alors ok, mais, il faut le faire en conscience des lieux, du patrimoine et de la beauté. Ce genre de comportement induit un manque de respect. Il est important de savoir que nous manquons cruellement d'eau. Une pédagogie est à faire. La mer a besoin, elle aussi, de respect. Les fortunés ont eu envie de planter des oliviers devant leurs belles maisons. Des serpents se sont faufilés dans les importations d’arbres et aujourd'hui, Ibiza en est infestée. Le confort ne vaut pas tout ! J'ajoute à tout ça que les prix atteignent des hauteurs incroyables. Autre chose d'important : ici, on ne se regarde pas, on vit les uns avec les autres sans étiquette professionnelle. Personne ne sait que je suis comédienne et c'est pas plus mal car mon métier compte pour moi mais il n'est pas l'essentiel. Mon papa est décédé il y a peu et il m'a transmis de belles valeurs. Il m'a transmis ce lieu avec l'amour de la nature, des arbres, du vent, de la mer... Le respect de la vie en somme.

"Puis concernant, notre rapport à la fête, il faut savoir que la danse fait partie de l'île. Alors oui, cette destination est un lieu de boites de nuit mais il s'agissait d'une autre fête. D'une manière de vivre : la danse et la musique sont inscrites depuis les temps ancestraux. Je regrette que la fête soit devenue ségrégative par l'argent. Mais les abus sont regardés de près par les gouvernements. Aujourd'hui, il est interdit de dénaturer les Fincas. L'héritage architectural est ainsi préservé. Les permis de construction de piscine sont stoppés. Je reste optimiste. Les gens prennent de plus en plus conscience de leur impact sur la nature. D'autant que les saisons s’étirent : elles commencent en avril pour finir en octobre. Mais peu importe, je leur prête l'île et les 187 plages (Rires) car l'énergie propre à l'île surplombe tout ça. Elle sera toujours là. Je reviens sans cesse avec un immense plaisir."

Samantha Rénier

Sayana Cairo, photographe :

"J'ai été élevée sur l'île. Je suis venue avec ma mère à l'age de 3 mois. J'ai partagé mon enfance entre l'Inde et Ibiza et au final, c'est ici ma maison. J'ai des racines allemandes et anglaises, certes, mais je me sens d'ici même si au regard des habitants de l'île, je viens d'ailleurs. Mon identité de cœur se forge bien à Ibiza. Je ne suis pas patriote, pas partisane ni chauvine. Je vois le positif et négatif partout. Et c'est utile dans mon travail de photographe. Ce sont aussi mes voyages qui ont formé mon œil. Je m'intéresse aux petites choses du quotidien. Ce tiraillement identitaire se retrouve dans mon travail. Je ne voulais pas travailler quand j'avais 11 ans, et je me suis dit que photographe n’était pas du travail alors j'ai choisi de montrer le monde à travers mon objectif. J'aime les archives et garder une trace de choses et de lieux.

Ibiza est mon lieu, mon territoire, mon port aussi parce que ma mère vit ici. C'est mon ancrage parce que cette île est un lieu international, une sorte d’ouverture sur le monde et de tolérance. Cela correspond à la manière dont je vis mon identité multiple. En plus, Ibiza est un endroit à montrer à tous. Ce n'est pas que la fiesta. Aujourd'hui, les fêtes sont souvent privées surtout depuis la Covid. Les gens veulent se reposer, aspirent au calme et ne tiennent plus à se mettre la tête à l'envers. J'ai confiance en l'avenir de l'île car l'évolution est positive. Ibiza est ancienne et ses maisons font l'âme de ses paysages. J'ai des projets autour de la culture et de la préservation du patrimoine culturel de l'île. Je prépare un livre sur les Finca, nos maisons traditionnelles. Les traditions se perdent avec les nouvelles générations et je pose un témoignage sur ce passé. Cela dit, je ne vais pas tout dévoiler car je ne veux pas que cela soit exploité. Il faut une certaine confidentialité aussi."

Sayana Cairo
Photo by Sayana Cairo
Photo by Sayana Cairo

Francis Gazeau, Peintre

"J'aime Ibiza depuis longtemps. La musique est une passion donc la destination semblait une évidence pour moi. À l'époque, il y avait beaucoup de déserteurs de la guerre du Vietnam, culturellement il se passait quelque chose dans ces années 60. Un brassage du monde entier s’opérait. J'ai adoré. J'ai fait quelques aller-retour puis plus régulièrement jusqu'à faire construire mon atelier ici. J'ai grandi de foyer en foyer donc l'itinérance n'est pas un sujet. Je suis attaché à l'île. Le sud, les gens, l'ambiance humaine forte. L'esprit de fête est toujours là, mais à l'époque pour aller à un fête, il fallait le mériter. C'était des caminos, ces chemins de terre, qui nous servaient de routes. On dormait là où la soirée se passait car le retour n'était pas facile voire impossible.

L'ambiance s'est commercialisée malheureusement. Avant, l'attraction c'était les gens eux-mêmes, ensuite, les entrées sont devenues payantes excluant ainsi tous ceux qui n'avait plus les moyens de s'amuser. La donne a changé. Les boites ont payé des professionnels pour faire les animations. Le superficiel et artificiel vient de là. L’île est devenue une pompe à pognon. Certains dorment dans leurs voitures quand d'autres vivent comme des fortunés. Ne plus pouvoir vivre normalement, se loger est un drame. Ceux qui restent, c'est pour eux une bataille de tous les jours.

Pour ma part, je travaille ici et l'ADN de ma peinture est l'identité, les contrées authentiques et les ethnies. Les matières me passionnent, je les mélange et je confectionne. Les coutumes et les modes de vie me plaisent. Ici, c'est la nature qui me motive. J'avais un projet de culture itinérante à Ibiza Town mais la pandémie a stoppé l'exposition. C'est une belle ambition ! Je veux apporter la peinture et la photo au plus près des gens. Mais je ne désespère pas."

Francis Gazeau

Et Formentera !

Ne pas se rendre à Formentera quand on est à Ibiza est quasi un crime. Le voyage se poursuit donc dans cette île paradisiaque tout près, seulement 19 km et 40 minutes à peine en bateau. Ils sont très fréquents surtout en haute saison où il peut y en avoir jusqu'à 30 par jour. Les ports de départ sont Port d'ibiza, Avinguda de Santa Eulària des Riu, 07800 Eivissa et ceux d'arrivées sont Port de Formentera, Estación Marítima, 07870 La Savina. Il vous en coûtera entre 40 et 45€ en fonction des horaires et des compagnies. Quelques jours, un long week-end suffisent pour découvrir les eaux bleues de la mer des Baléares et de la Méditerranée. Un scooter, un vélo et c'est parti ! Les plages de Migjorn, Calo des Mort, de Saona et de Savina sont magnifiques. Trop peuplées en juillet/aout, elles gardent un charme certain.

Formentera veut dire "L'île du blé" en catalan et en castillan. Les mois de mai ou de septembre sont idéaux pour y aller. En 30 minutes, vous aurez arpenté l'île en deux roues. Elle est petite et pleine de surprises. Es Calo est à ne pas louper. Des roches sublimes et une eau turquoise qui n'a absolument rien à envier aux caraïbes ou aux îles attenantes aux côtes californiennes.

Il ne faut surtout pas hésiter à sortir des sentiers battus et archi célèbres comme le banc de sable, au nord, plage du levant et plage Ses Illetes. Plongez dans le centre et voyez la ville de San Fransisco, un bijou qui n'a rien de commun avec la ville made in US. Enfin, les deux grands phares, celui de la Mola et le cap de Barbaria offrent un panorama exquis.

Bon voyage !

ES CALO FORMENTERA

PHOTO IBIZA et FORMENTERA BY YASMINA JAAFAR

Du même auteur...

Mais aussi...

LA RUCHE MEDIA
40 rue des Blancs Manteaux
75004 Paris
Contact
Yasmina Jaafar
Productrice, journaliste, fondatrice du site laruchemedia.com et de la société de production LA RUCHE MEDIA Prod, j'ai une tendresse particulière pour la liberté et l'esprit critique. 

Et puisque la liberté n’est possible que s’il y a accès à l’instruction, il faut du temps, des instants et de la nuance pour accéder à ce savoir.
magnifiercrossmenu linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram