Pascal Rogard, Directeur Général de la Société des Auteurs (SACD) : "Sans auteurs, pas d’œuvres ni de créations. Notre pays a, sur ce point, des progrès à faire".

Par
Yasmina Jaafar
7 décembre 2022

La SACD se refait une beauté. Pas pour la gloire mais pour que les auteurs, scénaristes et autres professionnels du secteur puissent travailler dans les meilleurs conditions. Son DG, Pascal Rogard, défenseur des auteurs, des créateurs et de notre exception culturelle répond à nos questions :

La SACD achève ses travaux d'agrandissement. Ils ont débuté quand ? Et dans quel but ? 

La SACD vient de finir les travaux d’agrandissement des nouveaux espaces dédiés aux auteurs, des lieux de création qu’elle met gratuitement à la disposition de ses auteurs et autrices membres. Au siècle dernier, à la fin des années 80, on a fait le constat que les auteurs étaient isolés chez eux pour écrire et avaient besoin d’espaces collectifs pour se concentrer et rencontrer d’autres auteurs du même ou des autres répertoires. Elle a donc aménagé des bureaux et salles de réunions sous l’impulsion de Robert Enrico pour leur permettre d’écrire et de travailler ensemble dans une ambiance studieuse et professionnelle. Elle a aussi ouvert un espace de projection totalement rénové en 2010 vu les progrès des normes techniques.

En 2017, alors que les taux de remplissage des espaces atteignaient 100 %, nous avons pris la décision de procéder à un nouvel agrandissement et comme cela ne suffisait pas, nous avons acquis une maison de ville peu avant le confinement que nous avons transformée en espaces de création pour les auteurs. Il était important pour nous que tous les auteurs membres de la SACD puissent en bénéficier alors nous avons travaillé avec eux sur leurs besoins et avons ouvert une dizaine de bureaux et salles de réunions supplémentaires mais aussi deux espaces de répétition pour le spectacle vivant et la danse, un studio de podcast, un espace résidence pour l’écriture de séries à plusieurs, deux espaces de travail extérieurs végétalisés et connecté au Wi-Fi… Un lieux unique au monde rassemblant les auteurs du spectacle vivant, de l’audiovisuel, du cinéma, du web.

Studio SACD, c'est quoi ? 

C’est un autre espace de création mis à disposition des auteurs et autrices membres que nous avons ouvert en 2018. Avec le développement de la vidéo comme mode d’expression, le besoin de lieux de tournage pour les jeunes créateurs que sont les vidéastes est devenu pressant. Il se trouve qu’au moment où nous faisions ce constat, YouTube, dont les bureaux sont installés rue de Londres non loin de la SACD cherchait un lieu d’accueil pour ses propres studios en raison d’importants travaux de modernisation qui allaient commencer. Nous nous sommes associés à temps partagé et avons créé les Studio SACD-YouTube en quatre mois dans l’ancien économat de la SACD. YouTube nous a quittés fin 2019 pour retourner rue de Londres mais sans ouvrir ses nouveaux studios en raison du confinement et nous avons pris la pleine et entière exploitation de nos studios après le confirment et la crise sanitaire.

Le Studio SACD offre deux studios de tournage entièrement équipés (caméras, lumières, fond vert…) et une salle de post production également équipée. Les auteurs et autrices membres n’ont qu’à réserver un créneau pour en bénéficier gratuitement selon le principe du premier arrivé, premier servi. Nous n’intervenons pas dans les projets de nos membres et ne faisons aucune sélection.  

Quelles actions concrètes sont développées à la SACD pour que la création soit ?

Nous organisons une multitude de choses comme des rencontres professionnelles avec des dirigeants de chaînes ou plateformes pour permettre aux auteurs d’y voir plus clair sur les stratégies de création des différents financeurs. Nous lançons des fonds de création seuls ou en partenariat avec de potentiels diffuseurs comme sur le podcast avec France Culture, la diversité avec France Télévisions. Nous permettons à des scénaristes français de bénéficier d’une formation aux États-Unis dans le cadre de Boulevard des Séries en collaboration avec la Villa Albertine, le CNC, l’Institut français. Nous organisons des masterclass avec des showrunners ou scénaristes étranger en visio ou en présentiel. Nous attribuons des prix dans de nombreux festivals récompensant un projet, une œuvre, un auteur. Ou même plusieurs. Nous avons un accord avec l’Onda dans le cadre du dispositif Trio(s) pour favoriser la diffusion des spectacles de chorégraphie.

Nous menons énormément d’actions puisque favoriser la création contemporaine fait partie de nos missions. Et si nous pouvons aider la création, c’est grâce au dispositif de rémunération pour copie privée puisque nous affectons 25 % de la rémunération à des actions culturelles. D’ailleurs, ce dispositif vertueux est régulièrement menacé par des francs-tireurs qui se préoccupent peu de l’impact que leurs assauts peuvent avoir sur la création d’aujourd’hui et donc la culture de demain. Nous faisons le maximum pour le défendre.

Pourquoi les auteurs ont dû mal à être reconnus dans notre pays ? Est-ce une question de mise en valeur ?

Chaque secteur artistique a sa propre dynamique et son histoire singulière. Avec la Nouvelle Vague, le cinéma s’est construit autour de l’image du réalisateur. Le monde de la série s’organise davantage autour de la figure du scénariste. Dans le spectacle vivant, l’auteur de l’écrit est souvent moins reconnu que le metteur en scène. Ce qui est essentiel, c’est que chaque auteur ou autrice soit reconnu à la hauteur de sa contribution artistique. Cette reconnaissance, c’est évidemment la rémunération qu’il reçoit pour son travail de création et pour les recettes générées par la diffusion des œuvres. C’est pourquoi la SACD agit et négocie auprès de tous les diffuseurs, les plateformes, les théâtres pour négocier les meilleurs contrats et répartir le plus de droits entre tous. Mais, nous participons aussi aux négociations professionnelles entre auteurs et producteurs en cours pour améliorer leurs conditions de travail et de rémunération par les producteurs dans le cadre de leur gestion individuelle. Au-delà, la reconnaissance doit aussi être liée à une meilleure valorisation et à une plus grande mise en avant de l’image des auteurs et de leur apport créatif. C’est une tautologie de le dire, mais sans auteurs, pas d’œuvres ni de créations. Notre pays a, sur ce point, des progrès à faire.

Comment sont-ils protégés juridiquement au sein de votre organisme ? 

De plusieurs façons et à plusieurs niveaux. D’abord, la SACD a élaboré en audiovisuel une série de modèles de contrats protégeant les droits des auteurs. Elle propose aussi un système de coffre-fort en ligne pour protéger les projets avant que les auteurs et autrices ne les envoient aux producteurs et/ou productrices. Nous avons un service de conseil juridique, un service de négociation de contrats pour les auteurs sans agent. Nous sommes également présents dans les organismes de défense du statut des auteurs et les organismes sociaux afin de leur permettre d’accéder effectivement à leurs droits. Nous sommes partout où il s’avère nécessaire de défendre les auteurs de nos répertoires.  

Le secteur du cinéma est-il en crise ? Ou vit-il une mutation logique et obligatoire ?

Ce qui est sûr, c’est que le cinéma a connu beaucoup de crises et en connaitra encore d’autres. La période du Covid a bien sûr déstabilisé le cinéma dans son ensemble, avec de longues périodes de fermeture, des blockbusters américains qui ne sont pas sortis, ce qui a affaibli la fréquentation, et des nouvelles habitudes prises par nos concitoyens gagnés, pour reprendre l’expression de sociologues, par une épidémie de flemme qui les poussent à rester chez eux. Mais, je reste résolument optimiste pour l’avenir du cinéma. Les talents ne manquent pas et la jeune génération délivre déjà des œuvres puissantes et fortes. Et nous pouvons compter sur un outil essentiel, le CNC, qui lors de la crise du Covid, n’a pas dévié dans son soutien au secteur et n’a jamais diminué son soutien au cinéma, dans toute sa diversité. Faut-il pour autant considérer que rien ne doit changer ? Non. On ne pourra pas continuer par exemple avec une chronologie des médias qui doit être revue de fond en comble.  Et je crois aussi que la réflexion engagée sur la nécessité de mieux soutenir la phase de l’écriture et de mieux rémunérer les scénaristes est un enjeu collectif d’importance majeure si on veut préparer l’avenir.

Certains professionnels du secteur souhaitent que les salles de cinéma ne soient dédiées qu'aux grosses productions. Vous qui tenez à notre principe d'exception culturelle française, qu'en pensez-vous ?  

La salle de cinéma est un lieu culturel qui doit faire vivre la diversité, ce que beaucoup de cinémas font déjà d’ailleurs. Il ne faut pas se le cacher, on a besoin d’avoir des grosses productions américaines qui drainent un public nombreux et dont les recettes servent aussi à alimenter le compte de soutien du CNC et donc à financer de nouvelles œuvres françaises. Tout comme on a besoin que les salles soient l’espace d’expression privilégiée pour les films français, pour des films plus ambitieux, plus indépendants et qui racontent des histoires différentes. Le cinéma de demain doit s’inscrire dans la diversité et le pluralisme.

Lien ici pour tout savoir sur le SACD

Ils se jettent dans des endroits où on ne peut les trouver avec Marie PAYEN comédienne et Mehdi-Georges LAHLOU artiste
Crédit: LN PHOTOGRAPHERS
Avignon 2019 - Vive le Sujet - Splendeur Crédit: LN PHOTOGRAPHERS
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