QUEL 1ER MAI, POUR QUELLE FRANCE ?

Par
Yasmina Jaafar
1 mai 2019
YASMINA JAAFAR
Emmanuel Macron, Conférence de presse, jeudi 23 avril 2019

"Les vraies inégalités ne sont pas fiscales. (...) Les vraies inégalités sont des inégalités d'origine, des inégalités de destin, des inégalités à la naissance. Et il faut agir dès la petite enfance". Jean-Michel Blanquer a pour mission de donner à chacun la possibilité de mieux réussir. Le dédoublement des classes dans les quartiers défavorisés (déjà en application) puis "des classes à taille humaine qui ne dépasseraient jamais 24 élèves" devraient voir le jour.

Voilà une mesure présentée par le Président de la République le jeudi 25 avril face à plus de 300 journalistes. Des journalistes parfois soucieux de son état de santé, souvent en déficit de pugnacité... Lors de cette toute première conférence de presse Emmanuel Macron s'est livré à un échange inédit depuis le début de son mandat. Au terme de cette rencontre, nous noterons que le chef de l’État ne change pas de cap. Le travail et mérite restent les leviers de sa politique.

Avec sérénité et emphase, Emmanuel Macron a eu un discours de quasi sociologue avec toujours le même diagnostic juste. Un état des lieux de notre société regardée au scalpel. Un discours d’Énarque qui confine au grand oral. Mais a-t-il su avoir un regard et un vocable politique ? C'était un autre rendez-vous un peu trop long, un autre mea-culpa, une autre envie de réexpliquer sa politique. Le 17 novembre, un mouvement naissait pour revendiquer un ras-le-bol. Jeudi, le président a montré qu'il avait entendu, compris et les 4 mesures phares sont censées répondre aux demandes pressantes de changement : "J'ai moi-même été transformé par cette période. J'ai entendu, senti dans ma chair ce qu'ils vivent"... La réindexation des retraites, la baisse d’impôts, la suppression de l'ENA... le tout peut-être financé par la réduction de niches fiscales ou encore l’allongement de la durée de cotisation... Le mouvement des GJ a obtenu en quelques mois ce que les syndicats n'ont jamais réellement obtenu. C'est inédit. 20 milliards sont sur la table. Évidemment, satisfaire tout le monde est impossible tant les revendications sont éparses. Tant la colère est grande... Tant l'attente de la restitution du grand débat fut longue. L'heure est à la concrétisation d'acte politique et cela passera par un courage et une réelle volonté politique. Et non par la philosophie, l'emphase, la diatribe. Il faut raviver l’engagement mais aussi le lien avec la République. La défiance est telle qu'au lendemain de cette allocution, les français semblaient peu convaincus (6 sur 10) alors que les mesures prises une par une ont su convaincre la population.

Des gilets jaunes lors de l'acte 24 du mouvement, le 27 avril 2019 à Paris. — Lewis JOLY/JDD/SIPA

Et maintenant ? :

Alors, certes E. Macron a cédé mais que va-t-il se passer aujourd'hui ? Les annonces ont-elles permis de calmer les choses ? D'oublier par exemple les fameuses phrases du Président ?... Et la colère voire l'incompréhension engendrée ? Le mouvement des GJ s’amoindrit, les manifestants sont de moins en moins nombreux et le soutien des français fond. "Y a pas d'argent magique", "Je ne suis pas le père noël", "J'ai mon chéquier et je vais faire un chèque à chacun d’entre vous"... Le Président dit avoir saisi l'indélicatesse de certaines de ses sorties. La sincérité semblait là et le désir d'unir probant : "Nous devons absolument continuer de transformer le pays car les résultats sont là. Je demande aux collectivités et aux élus de replacer l'humain au centre, de rebâtir une nation de citoyens libres dans une Europe plus forte parce que je crois que c'est ainsi que nous pourrons véritablement retrouver cet Art si particulier d'être français". Le discours à venir du Premier ministre Édouard Philippe déroulera sans doute les détails des mesures annoncées. Avant cette rencontre, il y a cette nouvelle journée du 1er mai. Un appel est lancé pour un "acte ultime" afin que Paris devienne le "capitale de l'émeute" mais aussi pour une "convergence des luttes" entre syndicats, forces politiques et Gilets Jaunes. Une union qui divise encore beaucoup dans les rangs des gilets jaunes. La France Insoumise souhaite plus que jamais récupérer ce 1er mai. Le mouvement politique de Jean-Luc Mélenchon reste vexé de ne pas avoir vu l'Autre mouvement arriver. Il a besoin de reconquérir la rue et il sera présent à Paris, Marseille et Lille... Celui de 2018 a été marqué après coup… par Alexandre Benalla. Ce 1er mai là doit faire date différemment. Un an plus tard, c'est un autre rendez-vous qui anime le pays et inquiète les forces de l’ordre.

Si "l'acte 24" dénombrait 9.000 personnes dans la capitale (ministère de l'Intérieur), tout reste à craindre pour demain. Samedi 23 avril, 220 personnes ont été placées en garde à vue à Paris. Mais qu'en sera-t-il dans quelques heures ? Cette date choisie depuis le mois de février par la CGT ainsi que par certains "Gilets Jaunes" va donner le "LA" de la Partie 2 du quinquennat d’Emmanuel Macron. Les RG devront anticiper, les policiers éreintés, insultés, sommés de se suicider... vont devoir trouver de nouvelles forces pour répondre sans attaquer. Mais l'appel "Acte Ultime" n'est pas le seul. D’autres leaders du mouvement des "Gilets Jaunes" comme Eric Drouet via son groupe Facebook "La France en colère !" a lancé un sondage. Le plébiscite est là.

"Contre Macron et son monde, prenons la rue tous ensemble pour faire revivre la convergence des colères et des espoirs." Les manifestations du 1er mai sont une tradition, une journée pour fêter le travail et pour entendre d'autres revendications. Ces 24 derniers samedis ont phagocyté le débat public rendant le reste inaudible. Ajoutons que les syndicats ont perdu la main et ne cessent de se diviser manifestant chacun de leur côté...

Aujourd'hui, les hostilités sont claires et l'ambition de casser déterminée. Mr Castener joue son poste chaque samedi. Vient s'adjoindre ce mercredi "ultime". La doctrine devrait être musclée, bien plus ferme voire offensive avec pas moins de 7500 agents dans la capitale. Qu'en sera-t-il exactement ? Verdict dans quelques heures.

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