Les Survivants : Denis Ménochet au sommet

Par
Yasmina Jaafar
27 janvier 2023

"Les survivants" est actuellement au cinéma. Servi avec talent par Denis Ménochet et Zar Amir Ebrahimi, ce premier long métrage politique et social est prometteur. Il pose la question de l'entraide, de la migration, de l'exil et de la survie des réfugiés. Nous avons rencontré le réalisateur Guillaume Renusson.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de traiter de la survie des migrants ? 

Quand j’étais étudiant, j’ai accompagné une famille qui venait d’Angola, une mère et ses deux enfants. Je me suis occupé de leurs démarches administratives et j’ai accompagné les enfants en soutien scolaire. À Paris, j’étais dans une association où je faisais des courts-métrages avec des réfugiés. Ça paraît un peu évident dit comme ça mais j’ai été frappé de voir que la dynamique du deuil telle qu’on la connaît s’apparentait au deuil de leur pays. Comme un arrachement. Ça a été été l’un des points de départ du film, à l’instar du champ lexical de la fuite qui compose les récits d’exil. Je me suis donc dit : si on parle de personnes sans cesse traquées, faisons un film de traque. Si on parle de personnes en survie, faisons un film de survie. Allons explorer la forme et les codes du genre pour traiter du politique, du social, et chercher du cinéma. 

Comment avez-vous travaillé avec Denis Ménochet et Zar Amir Ebrahimi ? 

Je voulais créer un duo, la rencontre de deux personnages qui se méfient l’un de l’autre, obligés de s’apprivoiser mutuellement parce que traqués. Denis est un comédien de l’état qui vit authentiquement les choses. C’est impressionnant à voir, il devient littéralement le personnage. Il peut être à la fois inquiétant, rassurant, menaçant, protecteur. Depuis Jusqu’à la garde, j’ai l’impression que le spectateur se méfie de lui, ce qui nourrit la méfiance de Chehreh dans le film. Zar a fait un chemin de création différent. Elle est arrivée en casting en me disant « Chehreh, c’est moi ». Avec sa trajectoire personnelle, le fait qu’elle ait fui l’Iran, on ne savait plus si c’était Chehreh ou elle qui parlait sur le plateau. Face à ce colosse au pied d’argile qu’est Samuel, il y avait ce frêle roseau, cette femme résiliente au destin exceptionnel. 

Votre film est qualifié de Western moderne. Êtes-vous d'accord ? 

Plutôt oui. Sur place, dans ces grands espaces peu habités, j’ai vu ces réfugiés en survie, pris la nuit dans les phares des dameuses, traqués par la police aux frontières montée sur des motos- neige. On aurait dit des fantômes. Et je pensais à Samuel, ce lonesome cow-boy endeuillé, presque en rédemption, ainsi qu’à cette femme, non pas une indienne mais une afghane… Tout ça a convoqué en moi un réseau d’images rattaché au western, ce qui m’a semblait organique visuellement. Un western contemporain, social. Tout ça s’est ensuite imposé à l’écriture.  

La maîtrise du film est impressionnante et il s'agit de votre premier long métrage. A-t-il mûri des années en vous ? 

C’est très gentil, merci. Je pense que le fait d’avoir commencé à tourner en mars 2020 et d’avoir été arrêté par le Covid a contribué à cela. Au sens où le fait d’attendre plus de dix mois pour pouvoir reprendre (à cause de la neige…) nous a permis de nous poser les bonnes questions, qu’elles soient artistiques ou logistiques. Le premier action de reprise était assez bouleversant, ça a crée une solidarité de sort très forte entre l’équipe et moi, une sorte de matière invisible qui je l’espère est dans le film. Tout le monde voulait aller jusqu’au bout, c’est devenu un défi collectif. 

Guillaume Renusson, réalisateur de cinéma

Parlez-nous de votre parcours et de votre prix Mobile Film Festival ? 

J’ai fait des études de lettres, de sciences politiques, et je suis arrivé à Paris en 2013 pour faire un master d’écriture audiovisuelle. J’ai alors participé Mobile Film Festival où il fallait faire un film d’une minute avec un téléphone portable. J’ai donc proposé Une minute de silence au concours, tourné avec mon iPhone 4 de l’époque… En famille. Et je me suis retrouvé avec le premier prix... BNP Paribas attribuait 15 000 € à l’heureux vainqueur et j’ai pu faire mon premier court métrage produit en 2014. Ça a un peu tout lancé… 

Quels sont vos projets ?

Je travaille sur mon deuxième long métrage, toujours avec le même co-auteur, Clément Peny, et les mêmes producteurs. Après avoir tourné Les Survivants, j’ai enchaîné avec la saison 2 de 3615 MONIQUE sur OCS que j’ai eu l’opportunité de réaliser. Je suis content de retrouver un nouveau temps d’écriture ! 

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Yasmina Jaafar
Productrice, journaliste, fondatrice du site laruchemedia.com et de la société de production LA RUCHE MEDIA Prod, j'ai une tendresse particulière pour la liberté et l'esprit critique. 

Et puisque la liberté n’est possible que s’il y a accès à l’instruction, il faut du temps, des instants et de la nuance pour accéder à ce savoir.
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