Comment est né le clip « Tous les 3 jours » ?
Depuis l’université, je me suis toujours impliquée dans des associations, et notamment pour défendre le droit des femmes. Le cinéma est aussi un vecteur de message et en tant que jeune réalisatrice, c’était comme une évidence de réaliser ce film. Le spot est né de rencontres et de la générosité de plus de 50 professionnels du cinéma. J’en profite pour remercier chaque personne qui a travaillé bénévolement, et tout particulièrement Didier Diaz de Transpa et Marc Ribaudo de Pixaway Production sans qui ce projet n’aurait pas vu le jour.
Quel est votre rôle dans cette aventure ? Que signifie « réaliser » un clip comme celui-ci ?
Mon rôle est celui d’une réalisatrice qui porte un message pour une cause : celle de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Le travail d’une réalisatrice est de réussir à partager avec son équipe sa vision sur un sujet, afin de réaliser tous ensemble le même film. Mon intention de réalisation était définie dès l’écriture du scénario. Un film où les jours défilent, avec sur le jour le son des violences et ensuite sans parole, le visage meurtri d’une femme. L’escalade de la violence est symbolisée par les jours qui se suivent et par le visage de plus en plus marqué de stigmates de la violence. Jusqu’au troisième jour, où l’écran est noir, le vide, le silence, la femme est morte. Nous avons beaucoup travaillé sur la violence du son qui contraste avec la fragilité de l’image, cette violence subie que ces femmes vivent seule dans le silence. Le passage du noir et blanc à la couleur, des ténèbres de cet enfer qu’elles vivent au quotidien à la lumière et aux couleurs de la vie dès qu’elles sortent de leur silence, qu’elles commencent à parler, à être entendues, reconnues, étape indispensable vers la reconstruction et la résilience.
Pensez-vous que nous passons un cap dans les mentalités et la conscientisation de ce fléau qu’est la violence conjugale ?
Il est vrai que la requalification des crimes passionnels ou faits divers en féminicides à mis en lumière un fléau jusqu’ici ignoré ou consciemment nié. Effectivement, une femme meurt tous les trois jours victime de violence conjugale. Le titre du film porte à la fois un message contre la violence et un décompte pour autant violent. Nous sommes sur le chemin de cette conscientisation en France. Au début du chemin probablement. J’entends encore souvent des discours vindicatifs qui déclarent à tort, que la violence conjugale ne touche que les milieux défavorisés. J’entends aussi l’ignorance de la souffrance des femmes sous emprise dans des affirmations telles que « elles n’ont qu’à partir ! », comme si c’était simple et évident. C’est pourquoi, bien que le film soit très bref, seulement 1’30, j’ai voulu que des femmes de tout âge et toutes catégories sociales confondues soient représentées. Et pour le tableau final, porter haut et fort, le message que nous tous et toutes, citoyens, et citoyennes, hommes et femmes, nous sommes solidaires et pouvons agir, chacun à notre niveau, contre les violences faites aux femmes.
Connaissez-vous quelques difficultés pour faire entendre votre voix ? Êtes vous soutenus par les instances étatiques ?
Le spot vient juste d’être diffusé donc difficile encore de se prononcer. L’objectif est d’abord de le lancer sur les réseaux sociaux et plateformes internet. Pour le moment, les partages se font à titre individuel. Nous souhaitons clairement une implication et un soutien des pouvoirs publics pour faire connaître ce spot et permettre par ce biais de sensibiliser les françaises et les français. L’objectif est cela dit bien plus étendu. A force de persévérance et de détermination je souhaite que des moyens supplémentaires soient mis à disposition de la société française pour agir contre ce fléau. Commencer par une meilleure prise en charge des femmes victimes par les forces de l’ordre, au moment des dépôts de plainte. Une considération, une écoute, une orientation des victimes vers des associations qui peuvent leur venir en aide. Une justice qui se responsabilise face à ces femmes victimes et leurs enfants, avec des décisions pertinentes et protectrices de leur liberté et de leurs droits. Si ce film est un vecteur des prémices de cette conscientisation, alors je considèrerais que j’ai apporté ma pierre à cet édifice.
Vous êtes réalisatrice. Quel regard portez-vous sur la 45ème cérémonie des Césars ?
Je l’ai suivi comme beaucoup à la télé, et effectivement les moments de malaise n’ont pas manqué au cours de cette cérémonie. Peut-être que si j’avais été dans la salle, j’aurais suivi Adèle Haenel. Vous savez, j’ai rencontré des femmes victimes de violences conjugales et ce dont elles souffrent aussi c’est de l’image d’hommes fiables professionnellement, que ces hommes violents savent véhiculer en manipulant leur entourage. Le fait de dénoncer cette violence au-delà de l’image du bon professionnel ou de l’ami bienveillant insoupçonnable, c’est peut-être là, aussi le début de cette conscientisation dont nous parlions dans la question précédente. De façon générale, la place des femmes dans le cinéma est encore fragile et à mon sens ne devrait pas uniquement se définir par rapport à leur spécificité. Un quart des films français sont réalisés ou réalisés par des femmes, une progression de 62% en dix ans (étude CNC) mais on est encore loin de la parité. C’est pourquoi je fais partie du Collectif 50/50 et qu’au sein de la commission Parité et Égalité de l’AAFA (actrices et acteurs de France associés) nous avons réalisé des micros-trottoirs sur ce thème devant les salle de cinéma et que les réponses sont édifiantes.
Allez-vous créer un deuxième clip en dehors de la date du 8 mars ? En parler toute l’année ?
Il s’avère que le spot est diffusé juste avant le 8 mars mais n’a pas été créé pour une date en particulier. Nous souhaitons en parler toute l’année et qu’un jour nous n’ayons plus besoin d’en parler. En tant que femme et réalisatrice je veux dénoncer ce fléau mais également je m’autorise à imaginer et participer à la création d’une société plus juste et moins violente. Et oui, je souhaite réaliser d’autres spots, et j’espère que j’aurai des aides et moyens financiers pour le faire.
Cette « date » du 8 mars enferme-t-elle la question ?
Dans la continuité de ma réponse précédente, je ne serai vraiment accomplie que le jour où nous n’aurons plus besoin de célébrer durant 24h les droits des femmes. Cela symbolisera pour moi que les femmes auront enfin fait l’acquisition de leurs droits dans toutes les circonstances, tout au long de l’année, et pour les générations futures.
Que signifie le point noir dans la main d’une femme ?
« LE POINT NOIR EST UN CODE DE DÉTRESSE (un point noir dessiné dans la paume de la main) DESTINE AUX VICTIMES SOUS EMPRISE AFIN QU’ELLES PUISSENT TROUVER DE L’AIDE DISCRETEMENT.
En 2015, c’est l’idée que vient de lancer une mère anglaise sur Facebook afin de venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales. Le principe est simple : pour celles qui n’osent pas parler par peur des représailles, il suffit de se dessiner un petit point noir sur la paume de sa main.
Montré discrètement à une personne choisie à un moment choisi le code lepointnoir signifie : « Je suis victime de violences, j’ai besoin d’aide, et j’ai des difficultés à en parler librement ».
La personne qui aperçoit le code de détresse a pour mission d’engager discrètement une conversation avec la personne afin de l’aider à s’orienter vers des professionnels. (en aucun cas ne se substituer à des professionnels).
Si vous apercevez un autocollant lepointnoir sur un téléphone, un ordinateur, une boite aux lettres, un frigo, une voiture…… cela signifie que leur propriétaire connait le code de détresse, et que la personne est d’accord pour aider une victime qui s’adresserait à elle à s’orienter vers des professionnels.