Kim Chapiron revient avec Le jeune Imam. Un film inspiré de faits réels raconte le retour au bercail de Ali, jeune délinquant envoyé au Mali pour apprendre la foi et la droiture. Voulu pour montrer un islam du quotidien, le film suppose que la religion sauve quand l'école et la République le peuvent autrement, solidement. Habitué à offrir des films virilistes et overdosés de testostérone, le réalisateur de Sheitan (2006) et de La Crème de la crème (2014), montre une évolution de la représentation du féminin. Les femmes y étaient objets ou absentes. Elles y sont désormais fortes et puissantes. En particulier Hady Berthé qui incarne une mère-courage digne de Bertolt Brecht. Face à un fils intenable, la mère perdue ne lâche rien et démontre une fragilité consistante et opérante. Pourquoi ce changement de paradigme ? Réponse de Kim Chapiron.
Après 9 ans sans réaliser de long métrage, comment s'est imposé ce récit ?
Nous sortions de la tournée internationale des Miserables, les gens étaient prêts à nous écouter. On s'est dit avec Ladj Ly mon coscénariste sur le jeune imam, prenons le sujet par excellence dont personne ne veut et faisons un film d'amour avec!
Vos précédents films ne portaient pas vraiment de figures féminines. Ici, dans Le jeune imam, les personnages de la mère Madame Diallo - formidablement incarnée par Hady Berthé - et les 2 sœurs sont forts et charismatiques. Est-ce un changement de paradigme ?
Absolument. Mes films précédents traitaient tous les 3 de la famille que l'on choisit, les amis. 10 ans après mon troisième film, je suis moi même devenu père. Pour mes enfants, je suis la famille qu'ils n'ont pas choisi en quelque sorte ! Un nouveau rapport au monde, des nouvelles interrogations beaucoup de question sur la transmission et l’éducation ont commencé à trotter dans ma tête. J'ai trois filles, deux sœurs et j'ai grandi avec des figures féminines très fortes dans mon enfance. Développer des personnages féminins dans Le jeune imam s'est fait très naturellement. Je me souhaite un prochain qu'avec des filles !
Votre film n'est-il pas aussi une comédie sur l'arnaque et un drame moderne sur le transfuge de classe, le besoin de réussir via les réseaux sociaux ?
La menace et le danger dans mon film sont liés en général aux erreurs que nous faisons tous dans la vie, et le héros, par excès d’orgueil, par manque de prudence, par son inexpérience, se retrouve au cœur d’une polémique. Son attitude provoque un sentiment d’ambivalence : on l’aime et on le désavoue. Puis peut-être, finalement on comprendra son parcours. Ali veut faire le bien, mais il s’aperçoit qu’on ne peut pas tout contrôler dans la vie. Ce qui lui arrive peut advenir à tous les jeunes gens du monde, quelle que soient leurs religions, ou leur absence de religion. Pour moi, le film parle d’actes d’amour et de leur portée. C’est l’idée fondatrice de mon histoire, celle qui donne la confiance à Ali et lui permet de déployer son talent. Encore une fois, Le Jeune imam décrit un monde de nuances. Il s’agit alors de partager des questions et d’y réfléchir en sortant du film.