#BALANCETONPORC : ERIC BRION RÉPOND À LA RUCHE MEDIA : "J’espère que le débat entre les hommes et les femmes vont reprendre la forme d’un vrai dialogue"

Par
Yasmina Jaafar
2 octobre 2019
YASMINA JAAFAR
LARUCHEMEDIA.COM

Vous venez de gagner contre Sandra Muller suite à votre plainte pour diffamation. Que ressentez-vous ?

Je suis avant tout soulagé. Cela fait 2 ans que j’essaie de faire entendre ma voix, ma version des faits. Mais il restera toujours une trace de cette affaire. Le plus important pour moi est d’avoir été lavé de toute accusation de harcèlement sexuel. J’espère que cela lèvera les obstacles qui se sont dressés depuis de longs mois dans mes recherches professionnelles.

Est-ce que vous jugez la décision sévère ? 

Ce n’est pas à moi de commenter la décision de justice sur ce point. Je constate simplement que le tribunal n’a pas fait droit à l’ensemble de mes demandes et que Sandra MULLER bénéficie d’un soutien financier certain aux travers de deux cagnottes mises en ligne à son profit.

Condamnée à vous verser 20 000 euros par le tribunal de Paris, Madame Muller indique qu'elle va faire appel.

SANDRA MULLER

C’est tout à fait légitime que Madame Muller puisse faire appel. C’est son droit, c’est le Droit.  Mon procès, lui, s’est tenu sur les réseaux sociaux. Et là, il n’y a aucun appel, aucune défense, aucun contradictoire. On est condamné en quelques jours, insulté, menacé. Et lorsqu’on saisit la justice pour faire valoir ses droits, c’est nécessairement une « procédure bâillon ». Or, lors de son procès, Sandra MULLER n’a pas été bâillonnée, au contraire : elle a pu s’exprimer, donner sa version des faits, bénéficier d’une défense. Moi, je n’ai pas eu cette chance lors de ma condamnation par le tribunal Twitter. Cette décision, c’est, avant tout, une victoire de la Justice et du Droit.

La décision porte sur le qualificatif de "harcèlement" mais quelle est votre version quant aux propos que vous avez tenu face à Sandra Muller lors de cette soirée au MIP ? 

J’ai toujours contesté avoir prononcé les propos tels que Sandra Muller les avait rapportés dans son tweet. Je m’en suis expliqué devant le tribunal. Et d’ailleurs, elle n’a pas contesté ma version lors du procès. Que j’aie été goujat, j’en ai convenu. Je me suis excusé le lendemain par SMS puis dans une tribune dans Le Monde. Dans cette Tribune, j’en appelais à la nuance. Mais rien ne s’est arrêté pour autant. Enfin, un tweet ne resitue pas non plus les lieux, l’ambiance, les circonstances.

Vous vous êtes excusé auprès de Sandra Muller par SMS au lendemain de vos échanges. Avez-vous encore le sentiment malgré le verdict d'avoir eu la mauvaise attitude ? 

Je me suis déjà exprimé sur ce point. J’ai exprimé des excuses et des regrets. Mes paroles étaient déplacées. Mais dès que Sandra Muller m’a fait comprendre qu’elle ne partageait pas mon attirance, je me suis arrêté. Dès lors, j’estime qu’il y a une disproportion absolue entre la réalité des faits qui se sont produits ce soir de 2012, la manière dont il ont été rapportés par Sandra MULLER et les conséquences subies, à la fois intimes et professionnelles.

Pensez-vous que cette décision va amputer le mouvement de libération de la parole quant aux attitudes machistes et sexistes ? 

Je ne le pense pas. Et je ne le souhaite pas. Mais #Balancetonporc est né sur un mensonge. Car il n’y avait aucun harcèlement sexuel dans mes propos.

Que pensez-vous de ce mouvement mondial, de son ampleur ? Et pensez-vous qu'il faille éduquer les enfants, filles et garçons, pour que ces habitudes cessent ? 

SANDRA MULLER ET ERIC BRION

Je suis un pro #Metoo, sans ambiguïté. Mais chaque cas est différent ! Quant à l’éducation, elle est primordiale. Je suis fils d’enseignants et je crois à la fois à la parole des parents et de l’école. J’ai reçu de ma mère une éducation égalitaire entre les hommes et les femmes. J’ai toujours été un défenseur de l’égalité hommes/femmes là où j’ai travaillé. Je me suis même heurté à un front masculin chez Equidia quand j’ai souhaité une antenne plus paritaire. Et une des ex journalistes de la chaîne a témoigné pour le procès en rappelant que j’avais viré sur le champ son responsable hiérarchique qui la harcelait sexuellement. Ces valeurs me viennent de loin, des racines de ma famille où les femmes se sont sacrifiées. Cela m’a toujours étonné et dérangé. Je souhaite que mes filles grandissent dans une société plus égalitaire et plus dure avec tout type de harcèlement. Mais je rejette parallèlement les excès et les mensonges qui discréditent les meilleures causes.

Pouvez-vous nous rappeler la différence entre #metoo et #balancetonporc selon vous ? 

D’abord, factuellement, #Metoo est né d’une enquête journalistique longue et approfondie qui a abouti à dénoncer le scandale Weinstein. #Balancetonporc, c’est tout le contraire… Sandra Muller a créé son hashtag, selon ses propres dires, en 5 minutes sur le coin d’une table. Et ensuite, à travers Twitter et Facebook, elle a cherché à reconstituer une enquête pour me discréditer. Elle a contacté mes équipes, relayé des fakenews, ou encore a soigneusement évité de corriger des articles faux. Par exemple, quand l’Obs a écrit que j’étais son patron à l’époque des faits, Sandra MULLER a retweeté le papier sans corriger cette énorme erreur qui a laissé penser à beaucoup de personnes que j’étais son supérieur hiérarchique en 2012, ce qui est totalement faux.

Enfin, #Balancetonporc est pour moi fondé sur la délation et la vulgarité. Rien à voir avec #Metoo, dont je suis un fervent défenseur.

Vous dites être "victime du tribunal du buzz" ? Qu'entendez vous par-là ? 

Mon procès a eu lieu sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter, largement relayé par une partie de la presse. Un seul média m’a appelé après la parution du tweet… BFM TV ! Le buzz autour de cette affaire partait du principe que j’étais coupable. J’ai été comparé à Harvey WEINSTEIN, accusé d’autres harcèlements, par la rumeur des réseaux sociaux. C’est assez effrayant de voir comment la machine s’est emballée, comment elle vous broie. Une véritable chasse à l’homme, sans retenue ni réflexion.

Qu'avez-vous vécu depuis 2 ans ? 

Une longue descente aux enfer… Ma compagne m’a quitté alors que nous n’étions pas ensemble à l’époque de la fameuse soirée (je le précise car j’ai lu beaucoup de bêtises la dessus aussi…), des amis sont partis ; le chiffre d’affaires de ma société de conseil a été divisé par 4 ; tous mes rendez-vous de recherche de travail ont été annulés (même pas reportés…). Je me suis retrouvé chez moi à tourner en rond de longues heures en m’interrogeant sur mon avenir, sur la manière dont j’allais assumer celui de mes filles. J’ai fait une profonde dépression. Et puis il y a les autres, la gêne palpable dans leur regard, leurs mots. Le téléphone qui ne sonne plus. Les rendez-vous qui s’espacent. On me dit que je ne retrouverai jamais de boulot dans les médias. C’est une vraie mort sociale.

Mais je n’oublie pas ceux qui sont demeurés fidèles, qui m’ont quand même donné ma chance. Ils se reconnaitront et je leur suis très redevable.

ERIC BRION

Comment pensez-vous votre reconstruction ?

Je garderai la partie intime pour moi. D’un point de vue professionnel, il était vital que le tribunal fasse clairement apparaître qu’il n’y avait aucun harcèlement sexuel dans cette histoire. J’espère retrouver des missions ou un job rapidement. Mais j’étudie aussi la manière la plus efficace de faire profiter de cette histoire à celles et ceux qui sont amenés à traverser des périodes difficiles.

Enfin, j’espère que le débat entre les hommes et les femmes vont reprendre la forme d’un vrai dialogue, au lieu de l’affrontement que nous avons constaté depuis  2 ans. Plusieurs expressions comme « la peur doit changer de camp » ou « dommage collatéral » sont de l’ordre du discours de la guerre. J’aimerais que la nuance reprenne sa place, que  des équilibres se rétablissent. Tout le monde y a intérêt selon moi.

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Yasmina Jaafar
Productrice, journaliste, fondatrice du site laruchemedia.com et de la société de production LA RUCHE MEDIA Prod, j'ai une tendresse particulière pour la liberté et l'esprit critique. 

Et puisque la liberté n’est possible que s’il y a accès à l’instruction, il faut du temps, des instants et de la nuance pour accéder à ce savoir.
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