JEAN PIAT : UNE PERCEE DANS LA VIE DE GEORGE SAND, CHOPIN ET MUSSET...

Par
Yasmina Jaafar
13 septembre 2014

Jean Piat, toujours aussi jeune, nous balade dans le 19ème de George Sand, Chopin, Litz et Musset. Le théâtre de Paris accueille jusqu'au 21 septembre, la pièce "Les nuits romantiques de Nohan".

Intense, fragile, la voix forte, le verbe haut, l'immense Jean Piat nous convie à Nohan dans l'intimité de George Sand. Un petit air de campagne. Jean Piat est charismatique sans jamais tomber dans une pédagogie morne et triste. Avec lui, l'Histoire devient belle, les anecdotes sulfureuses ou amoureuses ou cruelles deviennent les nôtres. Farouchement d'époque, les amours  et rêveries de Lamartine, Hugo, Musset, Delacroix, Flaubert ou Gauthier, Schumann, Schubert, Liszt ou Chopin nous indiquent à quel point le 19ème siècle reste à nos portes.Piat TdP_nuits_40x60

Il est de bon ton d'être passionné en ces temps. En 1838, Chopin joue avec une virtuosité franche son amour pour l'icône Sand et Franz Litz dit à Marie d’Agoult : "Je ne veux ni croire ni douter. Je veux mourir !". Piat ironise : "On meurt beaucoup dans la correspondance de 1838, je vous le signale."

L'auteur tente d'expliquer la Musique... les motivations de création grâce aux intermèdes du pianiste Pascal Amoyel. Deleuze dirait, pourtant, que toute tentative d'explication est vaine. Cela dit, Jean Piat parvient, juché sur un talent épatant, à nous promener surtout grâce au formidable poème de Musset dicté tel un slam sur la musique de Chopin. L'issue du spectacle est vertigineuse :

A Ninon...
"Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?
L’amour, vous le savez, cause une peine extrême ;
C’est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ;
Peut-être cependant que vous m’en puniriez.Si je vous le disais, que six mois de silence
Cachent de longs tourments et des voeux insensés :
Ninon, vous êtes fine, et votre insouciance
Se plaît, comme une fée, à deviner d’avance ;
Vous me répondriez peut-être : Je le sais.Si je vous le disais, qu’une douce folie
A fait de moi votre ombre, et m’attache à vos pas :
Un petit air de doute et de mélancolie,
Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie ;
Peut-être diriez-vous que vous n’y croyez pas.Si je vous le disais, que j’emporte dans l’âme
Jusques aux moindres mots de nos propos du soir :
Un regard offensé, vous le savez, madame,
Change deux yeux d’azur en deux éclairs de flamme ;
Vous me défendriez peut-être de vous voir.Si je vous le disais, que chaque nuit je veille,
Que chaque jour je pleure et je prie à genoux ;
Ninon, quand vous riez, vous savez qu’une abeille
Prendrait pour une fleur votre bouche vermeille ;
Si je vous le disais, peut-être en ririez-vous.

Mais vous ne saurez rien. - Je viens, sans rien en dire,
M’asseoir sous votre lampe et causer avec vous ;
Votre voix, je l’entends ; votre air, je le respire ;
Et vous pouvez douter, deviner et sourire,
Vos yeux ne verront pas de quoi m’être moins doux.

Je récolte en secret des fleurs mystérieuses :
Le soir, derrière vous, j’écoute au piano
Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses,
Et, dans les tourbillons de nos valses joyeuses,
Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau.

La nuit, quand de si loin le monde nous sépare,
Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous,
De mille souvenirs en jaloux je m’empare ;
Et là, seul devant Dieu, plein d’une joie avare,
J’ouvre, comme un trésor, mon cœur tout plein de vous.

J’aime, et je sais répondre avec indifférence ;
J’aime, et rien ne le dit ; j’aime, et seul je le sais ;
Et mon secret m’est cher, et chère ma souffrance ;
Et j’ai fait le serment d’aimer sans espérance,
Mais non pas sans bonheur ; - je vous vois, c’est assez.

Non, je n’étais pas né pour ce bonheur suprême,
De mourir dans vos bras et de vivre à vos pieds.
Tout me le prouve, hélas ! jusqu’à ma douleur même…
Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?"

Alfred de Musset à Ninon...

Plus de mots.

Yasmina Jaafar

Adaptation texte : Jean PIAT, Mise en musique : Pascal AMOYEL

  • Du mardi au samedi 20h45
  • Dimanche 15h30

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