ALEXANDRE AMIEL, UN PRODUCTEUR LIBRE ET INVENTIF

Par
Yasmina Jaafar
11 juin 2015

Alexandre Amiel est un producteur différent. Libre avant tout, il fait vivre non sans mal mais avec succès sa société de production "Caméra Subjective" au milieu d'un secteur en mutation. Parcours et regard d'un professionnel de la télévision :

Rencontre :

Votre société s'appelle Caméra Subjective. Pourquoi et existe-il une objectivité ?

En effet, je considère qu'il n'y a pas d'objectivité dans le journalisme. C'est une façon de raconter une histoire en fiction, documentaire ou programme de flux qui compte. Les gens reprochent parfois aux journalistes leur manque d'objectivité hors pour moi ça n'existe pas dans ce métier. Tout ce qui existe c'est l'honnêteté. Que chacun ait son regard et son point de vue sur les choses est normal. Puis j'ai fait toute - ou presque - mon expérience à Canal + et j'ai appris ce métier qu'en faisant un pas de côté. Tout ce que je tente de faire comporte cette manière de voir l'actualité et les programmes.

La ligne éditoriale justement, votre ADN qu'elle est-elle ?

C'est le regard en biais, c'est de faire des choses qui nous amusent. On est incapable de créer des programmes pour faire des programmes. Ca fait sans doute de moi un moins bon producteur... en tout cas un moins bon chef d'entreprise mais on a eu de la chance durant quelques années de bien gagner notre vie, ce qui nous permet de rester sur des créations qui nous ressemblent. Ces gains nous ont donné une réelle indépendance. Quand les années sont moins fastes, on tient.

La liberté pour un producteur n'est-elle pas essentielle ?

amiel alexandre

J'ai un vrai problème avec l'autorité. Je suis devenu patron juste pour ne pas avoir à rendre de compte. Je ne supporte l'autorité de rien ni de personne. Ca n'est pas très heureux mais c'est ainsi. Je suis un journaliste qui est devenu chef d'entreprise pour m'émanciper pas pour m'aliéner. Là, on vient de déménager de Boulogne à Bastille pour quelque chose de plus grand mais je tente de faire en sorte que l'on soit jamais prisonnier du financier ou de céder à la facilité en faisant n'importe quel programme.

Votre ADN semble compatible avec celle de France Télévisions. Pourquoi ne pas collaborer davantage avec le groupe public ?

Nos créations correspondent beaucoup à ce que propose France Télévisions, en effet et nous allons essayer dans un futur proche de plus travailler avec le groupe. Mais jusqu'à présent on n'arrivait pas trop à échanger. Pour être honnête, c'est plus de ma faute que de la leur. Je vais naturellement vers le groupe Canal + et moins vers d'autres chaînes.

Que vous inspire l'arrivée de Delphine Ernotte à la tête de FTV ?

La seule chose que j'espère, c'est que les idées fusent et soient ! J'aimerais voir des programmes innovants à l'antenne. C'est une femme nouvelle qui n'arrive pas avec un carnet à satisfaire.

Vous produisez essentiellement des documentaires. C'est votre formation de journaliste qui vous y pousse ou les chaînes sont-elles réticentes face aux idées d'émissions plateaux ?

200 m amiel durand

Pour la petite histoire, quand j'ai commencé à CAPA, la nature aurait voulu que je produise du doc et je ne voulais surtout pas faire ça parce que je me rendais bien compte que c'était très difficile d'avoir une boite pérenne en ne fabricant que du documentaire. J'ai donc créé beaucoup de magazines culturels comme "Esprit libre" avec Guillaume Durand par exemple - avec qui aujourd'hui je fais "200 millions de critiques" sur TV5 monde - ou des magazines politiques. Et ensuite, quand les émissions ont été arrêtées, je suis revenu aux doc pour que la boîte tourne. En faisant "Made in France" pour Canal, on a su montrer qu'avec un doc, on peut faire un succès. Résultat, le format est vendu dans  plusieurs pays et on a gagné le prix du Meilleur format de l'année. C'est donc possible de faire des choses originales.

Le métier de producteur est en mutation à cause d'internet et de la frilosité des chaînes. Vous le ressentez ?

caméra subjective a amiel

Ou. Bien sur. C'est compliqué et tout change beaucoup et très vite mais c'est comme tout, il faut apprendre à s'adapter et fabriquer son histoire. Nous, c'est un peu "travailler plus pour gagner moins" mais c'est pas grave. C'est déjà une chance de faire ce que l'on aime. Notre valeur ajoutée, ça n'est pas d'avoir des caméras ou des studios. Notre boulot, c'est d'avoir des idées et de savoir les défendre. Etre capable de les réaliser au mieux et s'entourer des bonnes personnes. C'est ça être producteur.

La fiction pourrait vous attirer ?

Et bien, figurez-vous que pendant longtemps, je ne me penchais pas sur la question, puis finalement on a développé une série pour Planète qui était très originale qui s'appelait "Le casse". C'était des documentaires avec des fictions intégrées et pas des docu-fictions qui sont le pire du pire. Le mélange comporte le pire de la fiction et pire du doc, donc pas de docu-fiction. Dans "Le casse", le principe de narration voulait que le mec qui faisait le casse, le racontait et on intégrait à l'intérieur du récit une réelle fiction courte avec aux manettes de très bons réalisateurs de cinéma comme Hugo Gélin, Julien Leclercq ou encore Xavier Gens. On y va doucement...

Un mot sur votre grande passion pour le poker ?

amiel poker

Ce qui est hallucinant, c'est que maintenant quand vous tapez mon nom sur Google, c'est le poker qui sort en premier et pas ma fonction de producteur. Alors que j'ai fait  10 ans d'antenne et  10 ans de production TV. Mais comme internet est viral tout comme le poker... le référencement est logique. Il se trouve en effet que je suis passionné de poker et que je suis dans les 10 meilleurs joueurs français en étant amateur. Une partie de poker ressemble à la vie. Autour d'une table les gens se dévoilent assez facilement et le rapport à l'argent et à la victoire est très prégnant.

C'est addictif ?

Oui, il y a une addiction en effet mais  toute relative. C'est surtout tous les fantasmes qui sont véhiculés autour de ce sport qui en change l'image. Je n'ai pas de rapport addictif aux choses. Je ne bois, je fume pas, je me drogue pas mais j'aime la compétition. Je ne suis pas joueur. Les casinos ne m'attirent pas du tout par exemple.

Alexandre Amiel produit "200 millions de critiques" sur TV5 Monde avec Guillaume Durand et différents documentaires.

Yasmina Jaafar

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Productrice, journaliste, fondatrice du site laruchemedia.com et de la société de production LA RUCHE MEDIA Prod, j'ai une tendresse particulière pour la liberté et l'esprit critique. 

Et puisque la liberté n’est possible que s’il y a accès à l’instruction, il faut du temps, des instants et de la nuance pour accéder à ce savoir.
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