CERTAINS GILETS JAUNES EN VOIE DE RADICALISATION ?

Par
Yasmina Jaafar
13 décembre 2018
Par Yasmina Jaafar

Cette photo que nous avons choisi de mettre à la Une représente un Président au regard dirigé vers l'avenir. Lors de sa campagne, Emmanuel Macron parlait de consultation, de partage, de démocratie participative. 18 mois plus tard... c'est la Bérézina. De toutes les réformes qui devaient transformer le pays, celle de la fonction publique devait être présentée ces jours-ci. Elle est reportée à 2019. Mais de toutes les réformes qui pourraient calmer les esprits quant à un ressenti d'injustice sociale et fiscale et politique... c'était bien celle-ci.

VERS UNE DÉCENTRALISATION ?

En effet, les préfets semblent être dans une bulle technocratique. Le Monde a publié cette semaine un papier faisant parler des préfets sous l’anonymat pour évoquer justement cette façon lointaine de gouverner et la non-écoute du sommet. L'ancien ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb y indique par ailleurs à longueur de colonnes à quel point le manque d'expérience de terrain de certains préfets est flagrant. Celui-là même qui a quitté le navire avant la tempête garantissant bel et bien une révolte, un "face à face". Cela devait se passer entre les français mais il s'agit ici d'un "face à face" avec le premier magistrat de France.

Un duel brutal depuis plus de 3 semaines mais la parole présidentielle a tout de même encore un peu de poids puisque pas moins de 23 millions de personnes, toutes chaînes confondues, ont suivi l'allocution d'Emmanuel Macron. Mais les français ne sont pas totalement convaincus. Selon les différents sondages, (ici Odoxa/le figaro) plus que 47 à 54% des français soutiennent encore les revendications des gilets jaunes, 46% souhaitent l’arrêt des blocages et 59% n'ont pas été convaincus par le Président mais 55% à 85% trouvent les mesures "satisfaisantes". Le chef de l’État gagne tout de même près de 20 points depuis sa dernière prise de parole. Une bataille de l'opinion se forme.

L'objectif était de calmer le jeu, d'entendre, de comprendre les colères et surtout d'y remédier par des mesures phares. Tel en fut le cas mais il est important aussi de recréer de la confiance, aujourd'hui plus qu'érodée. Cela passera aussi par la décentralisation du pouvoir. Redonner vie aux corps intermédiaires, repenser les formations dispensées à l'ENA, développer le prestige des préfectures de province, permettre aux préfets d'être réellement les outils et les agents de la communication gouvernementale, afin qu'ils puissent faire remonter les informations du terrain, et être entendus. Cela fait 40 ans que les maires et les conseillers hésitent à prendre leur place. Gaspard Gandzer, ancien conseiller de François Hollande dit bien "Un conseiller doit toujours dire la vérité même si elle est désagréable, sinon le président court à la catastrophe". Ça fait 40 ans que les choses se passent de la même manière. Ça fait 40 ans que les français acceptent un jacobinisme primaire. Mais une page se tourne et c'est en cela que le moment est historique.

Emmanuel Macron vient de Bercy, le plus technocratique des ministères. Ses amis fidèles choisis par lui... lui ressemblent. Contrairement à Nicolas Sarkozy ou à Jacques Chirac, le président Macron n'a pas eu le temps d'aiguiser son désir. De former une équipe connaisseuse des rouages politiques et des français. Battre le pavé, se faire "engueuler" forge ! Et les gilets jaunes sont aux antipodes de cette analyse froide du pays. La population ne vit pas dans un tableau Excel. Ils vivent ou survivent dans une réalité souvent triste. Des efforts ont été consentis, le président aurait même glissé dans le creux de certaines oreilles qu'il se "sentait mal entouré", que les 80 km/heure et l'APL étaient "une connerie"... Il y a donc un début de changement de méthode évident. L'Exécutif a ouvert la porte, le dialogue peut commencer et la colère s'estomper...

VERS UNE RADICALISATION ?

En science cognitive, on sait que la colère est un sentiment qui met plus de temps à se dissiper que la joie. Beaucoup des révoltés ne veulent plus terminer la lutte mais entre "lutte juste" et l'"incitation au désordre public" il y a un monde : Il est navrant de voir certains gilets jaunes comme - et nommons-les - Maxime Nicolle, intérimaire, perdre tout sens commun en annonçant au lendemain de la fusillade à Strasbourg que l’État français aurait organisé cette attaque. C'est idiot, dangereux et irresponsable. Les gilets jaunes modérés ou "raisonnables" comme aime les appeler Mr Castener, vont devoir faire le tri dans leurs rangs pour que le mouvement ne s'enlise pas. Et virer manu-militari ceux qui ne cherchent que la gloire, le quart d'heure warholien, une balade à moindre frais sur les plateaux télé. Ceux qui se refusent à retourner à leur vie qu'ils doivent estimer sans saveur pour agir de la sorte.

Bruno Studer député LaREM du Bas-Rhin

Bruno Studer, député LaREM du Bas-Rhin a exprimé "sa honte et sa colère face à ceux qui crient au complot". Ajoutant "Noël ne sera plus comme avant à Strasbourg". Honte et colère... Les plus radicalisés des gilets jettent opprobre sur une révolte qui reste légitime et dé-corrélée des autres actualités tragiques comme les attentats. Évidement que les modes de vies doivent s’améliorer voire changer, se modifier en profondeurs. Tout est parti rappelons-le de la hausse des taxes du carburant. A force de ne pas entendre, la pression est montée, l’État a dû lâcher chaque jours un peu plus. C'est ainsi que les gilets jaunes ont pu gagner une bataille pour le bien commun. Mais ces abrutis qui abiment cette initiative n'ont plus rien à faire dans la grande Histoire qui de déroule sous nos yeux.

Jean-Luc Mélenchon appelle à un acte 5 "L'acte V du début de la révolution citoyenne dans notre pays sera un moment de grande mobilisation". Les ronds points rassemblent encore 10 000 personnes. Mais cet Acte aura-t-il lieu suite à la mort d'un autre gilet jaune à Avignon cette nuit ? Six morts dans un conflit social c'est beaucoup trop en 2018 en France. Eric Drouet, Maxime Nicolle, Christophe Chalençon VS Jacline Mouraud Benjamin Cauchy... sont influents et imposent une pression. Mais lesquels des Gilets seront entendus ? Nous sommes peut-être face à un mouvement en voie de radicalisation et... en même temps... face à un État en voie de décentralisation...


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