Éric Zemmour : « Si j'y vais, je veux imposer mes thèmes. Je pense que la présidentielle se joue autour d'une idée, d'une question. Il faut imposer sa question et avoir sa réponse. »

Par
Yasmina Jaafar
12 septembre 2021

Éric Zemmour entame sa tournée de séduction en vue de la sortie de son livre intitulé « La France n'a pas dit son dernier mot », à paraître le 16 septembre prochain aux éditions Rubempré... puisque lâché par son éditeur historique Albin-Michel.
Mais que veut Éric Zemmour ? De l'éditorialiste polémiste à l'homme politique : à qui s'adresse sa parole ? Retour sur un polémiste pas comme les autres. 

Celui qui vient d'être relaxé par la cour d’appel de Paris - poursuivi pour « injure » et « provocation à la haine » après une envolée islamophobe prononcée lors de la convention de la droite le 28 septembre 2019 - est en campagne promotionnelle, si ce n'est encore présidentielle. Son nouveau bébé littéraire semble être le volet 2 de son précédent livre « Le suicide français », paru le 1er octobre 2014 et écoulé à plus de 400 000 exemplaires (Albin-Michel).

En effet, Éric Zemmour démontre dans ce nouvel ouvrage qu'il a des idées fixes. Construit comme un journal de bord, il nous livre sa vérité grâce à un calendrier précis. Un récit de ses dîners en ville plus qu'un programme, l'homme de Bolloré formule une liste de propositions réactionnaires et conservatrices telles que la fin du droit du sol ou encore l'expulsion pure et simple des condamnés étrangers...

La forme, quant à elle, en dit long puisque la couverture rappelle avec force une affiche de campagne. Le polémiste s'est inspiré de la couverture de Donald Trump : bras croisés, le regard assuré, léger sourire qui traduit toute sa confiance. Le tout sur fond de drapeau français voguant au vent...

« Si j'y vais, je veux imposer mes thèmes. Je pense que la présidentielle se joue autour d'une idée, d'une question. Il faut imposer sa question et avoir sa réponse. » Éric Zemmour

Mais que veut Éric Zemmour ?

La réponse est simple : dire sa vérité tel un gourou trop convaincu de sa parole libératrice. Mais une instance veille, celle du CSA. Le Conseil Supérieur de L'Audiovisuel a demandé aux médias un décompte du temps de parole d’Éric Zemmour et ce depuis le jeudi 9 septembre 2021.

De l'éditorialiste polémiste à l'homme politique... à qui s'adresse-t-il ?

Éric Zemmour est un éditorialiste politique qui s'installe avec vigueur dans l'univers politique. Le journaliste devient doucement mais sûrement un homme politique. La mutation n'est pas nouvelle. D'autres avant lui ont opéré la bascule (Jean-Marie Cavada, Noël Mamère ou encore, dans une autre mesure, Victor Hugo, Zola ou Mauriac...). L'intéressé fait de la politique, comme il l'a confirmé ce samedi sur le plateau de Laurent Ruquier et Léa Salamé. Mais il fait aussi de la métapolitique. Exactement comme le fait son amie politique, Marion Maréchal Le Pen, par exemple lorsqu'elle monte la convention des droites en septembre 2019 ou lorsqu'elle fonde une "école" à Lyon pour penser la politique et repérer les ténors de demain... Par leur attitude, les amoureux de la métapolitique font de la politique en y insinuant un volet intellectuel et cérébral, presque de la recherche. Les frontières sont ténues et Éric Zemmour joue de cette ambiguïté pour retarder son annonce.

Alors d'où parle-t-il ?

Porté par ses convictions, Zemmour parle de tous les endroits où sa parole peut être entendue. Tantôt intellectuel, tantôt journaliste ou encore politique mais surtout câlin avec le monde des grandes entreprises à des fins politiques, il brouille les frontières pour être certain de toucher les différentes niches. Comme un commercial/entrepreneur, il monte son discours à l'instar d'un produit et il le vend aux oreilles oubliées par les politiques (les vrais) et les médias.
Éric Zemmour pense à ceux que l’État a minoré. Il les rassure, gagnant ainsi des points/voix : les déçus et les abstentionnistes.
La stratégie est bien ficelée, à tel point que le CSA court après le polémiste pour éditer ses règles de temps de parole.

Le gendarme étatique n'est pas le seul à être dépassé par les frasques verbales d'Éric Zemmour. Les politiques le sont aussi puisqu'ils s'inscrivent dans la roue de l'écrivain. Les seuls thèmes évoqués sont et seront ses thèmes de prédilection. Zemmour donne le LA. L'environnement et l'écologie, le chômage, la formation, l'éducation, le logement, la délinquance, l'urbanisme, la pauvreté, l'Europe, le nucléaire... sont des thèmes essentiels pour les français mais c'est de l'immigration, des migrations et de l'identité dont il faut parler désormais et non de la France dans sa globalité.

La France est une idée, une vision. Zemmour en fait une obsession mais la France appartient à tous les français. Son drapeau, son hymne national, sa langue, sa culture, ses faunes et ses flores, ses gourmandises et ses contradictions puis ses incohérences sont à tous.

Alors pourquoi devrions-nous nous laisser faire par celui qui a décidé d'en faire sa priorité et sa propriété ? Sans doute parce que les partis politiques de tous bords ont omis volontairement de faire état de ces fameux thèmes clivants. Par électoralisme ou aveuglement, il ne fallait pas évoquer l'immigration et les soucis d'intégration. Les hommes et femmes en responsabilité auraient dû soigner les plaies plutôt que de forger un immense tabou français ! Un évitement que nous ne commençons à payer que maintenant car Éric Zemmour, lui, a compris qu'il fallait traiter un seul sujet : la France et son déclin à venir à force d'immigration remplaçante... Un sujet qui avorte tous les autres. Il est comme une ritournelle qui joue dans son cerveau et qui tente de gagner celui de ses concitoyens. Il est certain que les campagnes présidentielles passées ne représentent en rien un modèle d'intelligence. Des costumes de François Fillon aux calculs stériles autour de la pertinence ou pas d'établir des primaires tue chaque 5 ans un peu plus le débat public. Cela dit, ce n'est pas pour autant qu'il faut imiter l'homme en versant, au passage, dans la sottise et les facilités intellectuelles.

Ces périodes de suffrages sont importantes et devraient permettre aux personnels politiques et candidats à la plus haute fonction du pays de ramener par leurs discours fouillés et renseignés les votants et les indécis car n'oublions pas que les français aiment la chose politique. Si certains s'en détournent, ce n'est pas par paresse mais par écœurement.

Et les autres... :

Dans « La France n'a pas dit son dernier mot », l'auteur rapporte un échange avec Marine Le Pen. La patronne du Rassemblement National lui aurait dit : "Tu vas faire 3% et tu ne vas pas m'empêcher d'être au second tour. Mais tu m'empêcheras d'arriver en tête".

Il serait donc le "JPC" de l'élection de 2022... Comprenez celui qui a fait perdre Lionel Jospin en 2002.

Les autres adversaires, quant à eux, sont persuadés que la France penche sévèrement à droite. Tous font leur campagne sur des thèmes régaliens (immigration, sécurité, identité...). Cela s'avère compliqué pour une personnalité politique telle que Michel Barnier européiste modéré ou encore Valérie Pécresse, elle aussi modérée. Une modération qui va, c'est à craindre, être à géométrie variable ces prochains mois.

La bataille est donc lancée ! Début avril est encore très loin. Il faut des forces et un projet fort pour tenir la distance. Certes, Éric Zemmour représente non pas une extrême droite énervée mais une droite nationale, transgressive, loin de l'idée de rupture. Donné à 8%, Éric Zemmour n'est pas disruptif mais il est confortablement installé dans une rhétorique politiquement correcte qui pourrait séduire une partie de l'électorat Les Républicains tout en remettant Marine Le Pen à sa place.

Valérie Pécresse, Michel Barnier, Philippe Juvin, Éric Ciotti et Denis Payre.

En somme... Éric Zemmour a bénéficié des manquements des uns et des stigmatisations des autres. Le têtu doit librement faire partie du débat national. Il est nécessaire d'écouter l'audacieux pour déconstruire par l'argumentation son programme, ses tentatives de séduction oratoire et ses ambitions.

L'avenir appartient-ils aux audacieux comme le dit le dicton ? C'est justement l’avenir qui nous le dira. 

Pour l'instant, le héros auto-proclamé avance ses pions et la société médiatique semble le suivre mais jusqu'à quand ?

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