À TABLE ! parle de nous, humains, face à l'amitié, l'argent, la tromperie, l'avarice ou encore l'orgueil. À TABLE ! c'est du micro-théâtre : être au plus près de ce qui se joue, attablé à quelques mètres des acteurs. Les explications du créateur, Vincent Roger.
Pouvons-nous qualifier À TABLE ! d'expérience inédite ?
A TABLE! est en effet une expérience inédite et totalement unique à plusieurs titres, Frédéric TADDEI l’ayant d’ailleurs cité comme l’une des choses les plus innovantes qu’il n’ait vu depuis longtemps après nous avoir découvert et invité à son émission Social Club sur Europe 1.
Tout d’abord, ce concept n’existe nulle part ailleurs que ce soit en France ou à l’étranger.
C’est ensuite une expérience émotionnelle inédite pour le spectateur car il se retrouve par le dispositif même du concept, tous assis à la même table (acteurs et spectateurs et détail important, ça n’est pas un dîner) au cœur même de la fiction, de l’intimité des personnages sans toutefois n’être à aucun moment pris à partie, et c’est extrêmement important pour moi de le souligner car je n’aime pas qu’on joue avec la vulnérabilité du spectateur et je veux que les gens se sentent totalement hors d’atteinte malgré cette grande proximité. Donc je le répète, le spectateur n’est jamais pris à partie, à aucun moment, il assiste simplement à un moment vivant de fiction qui se déroule sous ses yeux, devenant cette petite souris que nous avons tous rêvé ou que nous rêvons tous d’être. Il est comme une caméra qui filmerait un long plan séquence avec son propre angle de vue. De nombreux spectateurs reviennent d’ailleurs souvent pour revivre la même histoire mais avec un point de vue différent en s’asseyant à un autre endroit. Et ce qui revient à chaque fois et me surprend toujours, c’est qu’ils pensent tous ne pas avoir vu jouer le même texte que la fois précédente ou bien que de nombreux changements ont été fait dans le texte, or non jamais.
Inédit aussi parce que cette proximité permet aux acteurs et actrices d’avoir un jeu d’une grande subtilité identique à celle du cinéma permettant aux spectateurs de profiter du moindre soupir, du moindre regard, du moindre détail comme celui par exemple du son de la caresse d’une main sur une table. C’est le royaume du langage corporel, du non verbal qui apporte cette dimension ultra réaliste à notre jeu et qui séduit autant.
Son originalité vient aussi de la durée de ses textes qui font chacun une vingtaine de minutes et s’enchaînent après une petite pause de 10 minutes entre chaque durant laquelle le spectateur est libre de rester assis comme de sortir pour aller prendre l’air ou commander un verre. Nous en jouons entre 3 et 4 par soirée. C’est un peu ce que le court-métrage est au cinéma et ce format attire de nombreuses personnes qui ne sont pas adeptes du théâtre traditionnel que la durée et la distance d’une pièce « classique » rebutent parfois.
A TABLE ! est enfin inédit car il permet aux spectateurs de se retrouver en contact direct et permanent avec les acteurs, les actrices mais aussi l’auteur et metteur en scène que je suis, avant, pendant et après, ce qui donne souvent lieu à la fin des représentations à des moments d’échange et de partage passionnants.
Comment est née cette idée ?
Comme bien souvent dans le processus créatif, cette idée est née d’une contrainte.Je voulais monter sur Paris du micro-théâtre tel que je l’avais connu durant mes longues années passées en Espagne où je l’avais découvert. Il me manquait le lieu. Le premier à m’accueillir et à s’engager dans cette aventure de façon inconditionnelle fut Hugues Piketty, propriétaire à ce moment là du Club du Cercle Étienne Marcel. Il proposait alors de mettre à ma disposition sa sublime bibliothèque…qui avait le gros inconvénient d’être meublée d’une immense et somptueuse table sur mesure à la dimension de la pièce impossible à déplacer. En deux mots je me retrouvais dans un lieu magique mais sans aucun espace de jeu. Peut-être parce que le buste de Molière nous contemplait du haut de son merveilleux escalier, ce lieu m’attirait, je n’avais pas de doute quant au fait que je n’étais pas là par hasard. J’y revenais donc le lendemain, pour m’asseoir à cette table pour laquelle je ressentais un magnétisme déjà si particulier. Puis je me suis mis à écrire, à réfléchir, à passer mes mains sur le vernis sombre de cette incroyable table. Et là surgit l’idée: "Nous allons nous servir de la table, nous allons jouer à table !"Le concept A TABLE! venait de naître et par la même celui de micro-théâtre immersif.
Depuis quand jouez-vous ?
J’ai créé le concept A TABLE ! il y a un peu plus de 5 ans. Depuis nous n’avons jamais cessé de jouer chaque semaine uniquement grâce au bouche à oreille qui est excellent et aux articles élogieux que la presse nous a consacré. Je suis toujours en émerveillement face à l’enthousiasme qu’il provoque chez les gens et sachez que la TABLE ne ment jamais. Elle nous met dans une position de très grande vulnérabilité en tant qu’artistes du fait de cette confrontation directe et sans filet avec le public mais les réactions que cela déclenche nous fait vivre à tous des moments intenses de bonheur rares et exceptionnels.
Que veut dire en mise en scène "dire le texte à la virgule" ? Et est-ce votre cas ?
Quand on dit à la virgule, on se réfère évidemment au texte et cela veut dire que le texte est joué par les acteurs et actrices à la virgule près, ne laissant pas de place à l’improvisation. J’insiste en effet souvent sur le fait que le texte est dit à la virgule car les spectateurs pensent dans leur grande majorité que nous improvisons or j’écris l’intégralité des textes. Nous n’improvisons pas, pas au sens général de ce qu’est l’improvisation, nous n’inventons pas le texte, c’est exactement et précisément celui qui est écrit que nous jouons. En revanche, nous travaillons de façon à ce que l’improvisation ait toute sa place dans les intentions qui animent les acteurs et actrices et dictent leurs émotions. Rien n’est jamais mécanisé que ce soit dans le jeu ou dans la mise en scène, c’est une volonté forte de ma part. Chaque TABLE est différente, toujours, et le travail que je fais avec mes partenaires consistent à vivre mais surtout ne jamais revivre l’instant. Ne jamais se répéter. Jamais. J’ai mis au point ma propre méthode pour arriver à ce résultat. Cela demande beaucoup de travail, un travail ingrat et rigoureux, mais mène l’acteur à la liberté, à la disponibilité de chaque instant qui mène à ce rendu hyper-réaliste. Ce que je dis aussi systématiquement aux spectateurs c'est qu’ils contribuent sans le savoir à ce que nous proposons en fonction de l’état émotionnel dans lequel ils viennent qui influent inévitablement sur notre jeu et c’est aussi ça la magie de A TABLE ! Et c’est encore pour cela que c’est à chaque fois différent.
Le spectateur est presque acteur. Cette proche immersion oblige à une écoute intensive et particulière. Est-il arrivé que quelqu'un intervienne ?
C’est extrêmement rare car le spectateur se trouve dans un moment et un lieu d’une telle intimité qu’il en deviendrait instantanément gênant pour les autres. Il est finalement celui qui se trouve à la table juste à côté de celle ou quelque chose attire son oreille, quelque chose d’important se joue entre deux personnes: il écoute, veut savoir, hésite à regarder, ne veut rien rater mais ne se permettrait jamais d’intervenir.Pour l’anecdote, il se trouve qu’une fois une personne a qui l’on avait conseillé de venir découvrir À TABLE! sans lui avoir dit de quoi il s’agissait, était arrivé avec quelques minutes de retard alors que nous étions déjà tous installés, ne restait que sa chaise. Il s’asseoit, s’excuse mais il se trouve que nous débutions par un texte qui commence par un très long silence. Ne comprenant rien, au bout de quelques secondes, il s’est mis à parler pour savoir ce qu’il se passait, aucune réponse de qui que ce soit. Il ne dit rien puis de nouveau intervient et prononce alors sans le savoir la première phrase du texte que nous jouions . Ma partenaire lui a naturellement répondu, j’ai moi même enchaîné et nous avons commencé à jouer. A la fin, plusieurs spectateurs sont venus me dire que l’intervention de ce premier acteur était incroyable. Nous vivons régulièrement ce genre d’instant savoureux. C’est ce mélange entre fiction et réalité qui fait la magie de A TABLE! Ce qui est certain c’est que le fait de tous se retrouver autour d’une table donne envie aux gens de participer, souvent pour vouloir soutenir un des personnages exactement comme on le ferait pour donner son avis sur un sujet dans une conversation mais de là à franchir le pas c’est une autre histoire. Et pour les quelques rares qui sont intervenus, le point commun était à n’en pas douter une consommation excessive d’alcool.
Comment définissez vous vos thèmes. Nous avons noté que chaque pièce traite du côté sombre de l'être humain ? L'hypocrisie, l'argent, l'amitié, la rupture amoureuse...
Les relations humaines me passionnent, j’aime les observer et je m’inclus bien évidemment dedans. L’observation est à la base de mon écriture comme je crois la majorité des auteurs avec un goût prononcé pour l’absurdité des situations. Je crois que nous passons une bonne partie de notre vie à masquer nos failles et c’est je crois ce qui rend tellement agréables de les observer chez les autres. Je ne définis pas un thème en particulier, c’est une idée le plus souvent qui vient à moi, parfois une phrase qui déclenche le reste mais toujours sur notre condition d’être humain social et éduqué et il n’est pas rare, pour ne pas dire systématique que les gens s’y retrouvent et se surprennent à avoir vécu les mème situations même si elles me semblent souvent à l’origine improbables.
Vous restez à table. Est-ce que cette configuration impose des freins lors de l'écriture ?
Encore une fois c’est une contrainte et je ne la vois jamais comme un frein mais plutôt comme générateur d’inspiration. Nous sommes À TABLE mais chacun des textes pourraient être transposés dans un lieu différent. Cela a été le cas d’ailleurs avec un des textes dont j’ai adapté la mise en scène dans une limousine pour en faire un film et non pas dans un bar assis à une table. Et parmi les nombreux festivals où il a été sélectionné, notamment à l’étranger, personne n’a jamais imaginé qu’il s’agissait à la base d’une discussion entre deux personnes attablées. Mais l’ADN du concept est bien d’assister à une conversation A TABLE !La seule limite que la TABLE nous impose est le nombre de personnages même si je pense déjà avoir une idée qui pourrait sans doute le permettre si un théâtre s’intéressait un jour à nous.
La pandémie a empêché les représentations. Comment l'avez-vous vécu ?
La pandémie a été dans un premier temps pour moi un moment bénéfique de prise de recul que je trouve toujours nécessaire quand on est dans la créativité et dont j’avais besoin. Pour autant, avec une telle quantité de temps « illimité » à disposition, l’inspiration avait du mal à être au rendez-vous car pour parler à nouveau de contrainte, on ne contraint jamais personne à créer. Après cette première phase, les choses se sont compliquées pour beaucoup d’entre nous avec un manque terrible, un vide, une sensation de ne plus exister, de n’avoir aucune utilité en tant qu’artiste. Ne pas pouvoir s’exprimer pour un artiste est la pire des choses. Mais la reprise est bien là, au rendez-vous, la demande aussi, on sent que les les gens ont besoin de se reconnecter à la réalité, de vivre des moments authentiques et ils sont au bon endroit avec nous À TABLE ! Il est vrai que de pouvoir en profiter pour déguster un bon verre de vin dans le lieu où Nicolas PARADIS nous héberge, Ô Château 68 rue Jean Jacques Rousseau 75001 qui se trouve être la meilleure carte de vins de France, fait de cette expérience un grand moment de convivialité dont nous avons tous besoin.Je finirais en disant que la pandémie a donné un sens différent et encore davantage de résonance aux thèmes que nous abordons, cette envie d’aller à l’essentiel, à la vie, comme nous dans le jeu.
À TABLE ! Chaque vendredi (parfois le samedi), Ô Chateau, 68 rue Jean Jacques Rousseau 75001 à 20H30
Pour réserver c'est ici : www.theatreatable.com