L'homme providentiel du cinéma convoque ce qu'il y a de plus intime en chacun : sa relation à la mère. Cette "Mommy" (Anne Dorval : exceptionnelle et détentrice du Bayard d'Or de la meilleure comédienne 2010) est poignante, autoritaire mais sait mettre de la distance avec un fils trop mouvementé, trop inquiet... trop fou (Antoine Olivier Pilon : LA révélation). Aucune sanction ne tombe jamais. Elle pardonne, parce qu'elle l'aime, parce qu'il est son enfant.
1000 films ont déjà traité de la chose. C'est vrai. Mais la force narrative installée dans ce film minute par minute nous oblige à rendre les armes et à se laisser faire. Un désir incroyable de la part du réalisateur "de donner toute la place aux acteurs." Il ajoute : "Je crois que sans le jeu, tout s'écroule. Mon but : créer des personnages et non des performances." La direction est telle que le rythme devient haletant.
Rien n'est sur joué. Tout est minutieux.
Le film accélère le temps réel. Dolan est loin de sa dernière œuvre "Tom à la ferme" qui tutoyait plus une "masturbation" créative égo tripée et un objet de pur plaisir : le jeune réalisateur était de tous les plans. Ici, on oublie l'égo et nous plongeons dans les tracas d'un duo que rien ne sépare... si ce n'est la folie. Cannes 2014 ne s'y est pas trompé.
"Mommy" a mis à genoux un public pourtant froid voire inerte. Les professionnels du cinéma ont applaudi celui qui a rendu un hommage vibrant à la Présidente du jour, Jane Campion "Vous m'avez donné l'envie de faire des films (...) Bref ! Tout est possible à ceux qui osent, travaillent, rêvent et n'abandonnent jamais !".
Même s'il n'a obtenu que le Prix du Jury, les 2h18 ont su provoquer une vive émotion.
Du cinéma... enfin !
Reste à voir si, demain, 8 octobre 2014, le public français sera au rendez-vous.
Yasmina Jaafar